Episode 9 : Désillusion
Le soir venu, j'avais fini de me préparer avant ma mère et je la rejoignis dans la salle de bain.
- Alors, comment tu me trouves ? demanda-t-elle.
- T'es magnifique maman, répondis-je en l'admirant.
- Merci ma chérie.
Je la serrai dans mes bras, ma mère que j'aimais plus que tout au monde, elle illuminait mes sombres journées et remplissait toujours le verre à moitié vide. J'étais tellement fière d'avoir une mère aussi aimante et attentionnée.
Aïko et Enza étaient arrivés à la maison, mes parents les considéraient comme leurs enfants, on les avait toujours emmené en vacances avec nous, ils avaient dormi de nombreuses nuits ici. Alors pour célébrer les 15 ans d'union de mes parents, ils étaient évidemment présents.
On se mit alors tous en route jusqu'au restaurant.
Le Jean Lassozay était un célèbre et très chic restaurant où peu de monde pouvait se payer un repas.
On entama la soirée en discutant et riant de toutes ces nombreuses années de vie communes entre mes parents, ils nous racontaient quelques souvenirs romantiques et amusants.
Un brin de nostalgie les envahissait mais ils se regardaient et s'aimaient comme au premier jour. Leur bonheur éblouissait toute la pièce, c'était un pur plaisir de les contempler.
Puis je reçus un texto.
- C'est qui ? demanda curieusement Enza.
- A ton avis ?
- Il est blond et collant et a des problèmes dans son caleçon ?
- Gagné.
- Tu lui avais pas mis les points sur les i ?
- Si si, faut croire qu'il est dur d'oreille.
- Tu lui réponds pas ?
- Non, sinon il va plus me lâcher de la soirée.
Le téléphone d'Enza sonna, elle décrocha.
- Ricky, comment ça va ? Oui tranquille.
Elle s'adressa soudainement à moi en chuchotant :
- Il demande si t'es avec moi, qu'est-ce que je dis ?
- Dis-lui que je suis pas là, répondis-je en murmurant.
Puis elle reprit sa voix normale :
- Elle dit qu'elle est pas là.
Tout à coup, je crus que mon coeur s'arrêtait..
Entre Aïko qui essayait de faire des signes discrets à Enza pour lui dire de se retourner et Enza qui comprenait rien et qui répétait quand même les signes.. Ils chuchotaient bruyamment pour tenter de se comprendre. Sans résultat.
Oh mon dieu, je n'en croyais pas mes yeux, quel était le pourcentage de chance pour qu'on se retrouve au même endroit au même moment ? Et il venait dîner avec une femme, une femme sublime !!
J'étais anéantie, je savais que je ne devais pas ressentir ça mais c'était comme si on venait de m'arracher le coeur.
Quelle horrible sensation, j'étais impuissante face à ce genre de situation, je ne pouvais rien dire. Seulement subir.
Je devais jouer la comédie pour mes parents, pour ne pas qu'ils se rendent compte que mes yeux brûlaient de chagrin. Par chance, mon père était trop occupé pour faire attention aux nouveaux arrivants.
J'étais obligée de me forcer à sourire et de faire semblant d'écouter, de m'intéresser à la conversation.
Mais une seule chose m'obsédait, c'était eux, à plusieurs tables de la notre. J'entendais rire cette femme, je la voyais lui sourire et plonger son regard dans le sien.
J'avais beau me montrer forte, c'était une torture.. Insupportable. Je ne pouvais pas rester là plus longtemps.
Je me levai et partis aux toilettes.
Ma mère et Enza, qui me connaissaient mieux que personne, se rendirent compte de mon mal-être.
Enza fit signe à ma mère de rester, et elle se leva pour me rejoindre.
Enfin seule, je me laissai aller, ne pouvant plus retenir mes larmes une seconde de plus. J'étais tellement en colère contre moi de réagir comme ça et de ressentir toutes ces émotions démesurées.
- Daïna, dit Enza d'une faible voix.
Elle n'avait pas besoin de dire un mot de plus.
Je ne pouvais rien lui répondre, j'en étais incapable. J'avais une boule dans la gorge qui m'empêchait complètement de sortir le moindre son.
Elle le savait. On se comprenait rien qu'en se regardant.
Puis je me réfugiai dans ses bras, éclatant en sanglots.
Elle m'offrit alors une étreinte compatissante et réconfortante.
- Hey.. ça va aller. Respire.
J'essayais de lui répondre après quelques reniflements mais en vain. Aucun mot ne pouvait sortir.
- Regarde dans quel état tu te mets à cause de lui, chuchota-t-elle, il en vaut pas la peine.
- Sérieusement, c'est quoi mon problème ?
- T'es beaucoup trop sensible et émotive, faut que tu t'endurcisses.
- J'ai vu celle avec qui il est, elle est très moche, franchement il a aucun goût.
Malgré la situation, elle réussit tout de même à me faire rire.
- Nan mais c'est vrai, il a de la merde dans les yeux. Laisse tomber va.
- Franchement, tu peux avoir tous les mecs que tu veux, ne donne pas autant d'importance à ce type. Et puis y a aucun mec sur terre qui mérite qu'on pleure à cause de lui, surtout pas lui. On va pas gâcher notre maquillage pour eux, j'ai pas raison ??
Reprenant mon souffle et essuyant mes larmes, je hochai la tête en ricanant légèrement.
- Ah Daïna Daïna Daïna, soupira-t-elle en souriant, qu'est-ce qu'on va faire de toi, hein ? Toujours dans des situations..
- Allez, on va arranger ton maquillage.
Après quelques minutes de plus dans les toilettes, on retourna s'asseoir et je me forçai à ne pas poser les yeux sur eux.
- Ca va, ma chérie ? s'inquiéta ma mère.
Je me munis alors de mon sourire forcé et jouai à nouveau la comédie.
- Oui super.
On porta un toast à mes parents et la soirée s'acheva dans la joie et la bonne humeur. Pour eux..
Je m'enfermai dans ma chambre et me consolai avec quelques notes de guitare. Jouant les mélodies les plus tristes et déprimantes que je connaissais.
Puis je me traînai jusqu'à mon lit et éclatai en larmes.
Le lendemain matin au lycée.
- Non écoutez, madame Danette, c'est très gentil à vous de me faire ce genre de.. proposition, mais je dois vraiment..
Il tourna la tête vers nous, fit quelques pas en notre direction et m'interpella.
- Mademoiselle Elevane ?
- S'il vous plaît, est-ce que je peux vous voir ?
Je ne répondis même pas et montai les escaliers.
Enza et Aïko restèrent une minute en bas.
- Hey ! lança Aïko d'un ton agressif, vous allez lui foutre la paix, compris ?!
- Vous êtes sérieusement en train de me parler comme ça ?
- Vous voulez peut-être qu'on parle de votre comportement à vous ? ajouta Enza, je vous conseille de pas trop jouer avec le feu.
- Je ne vois pas de quoi vous voulez parler.
- C'est ça.
Ils le regardèrent droit dans les yeux et s'en allèrent.
Les jours passèrent et je commençai à sourire à nouveau. Ca pouvait sembler ridicule et exagéré, mais ce que je ressentais était bien là, c'était vrai et palpable. La douleur avait pris mon coeur en otage et refusait de le relâcher. C'était entièrement ma faute, je le savais.
Les bras cassés étaient de loin les meilleurs amis que je pouvais avoir. Toujours là quand j'en avais le plus besoin.
Ils rendaient les choses si facile, la vie était tellement colorée en leur présence.
Leurs éclats de rire résonnaient dans toute la ville, leur joie de vivre était inépuisable.
Notre amitié, nos aventures, tout ça.. Je savais que ce n'était qu'un début. Ce genre de lien, ça ne se brise pas.
C'était mon frère, c'était ma soeur, et rien ni personne ne pouvait nous séparer.
*Musiques : Jason Walker - Down
The Vampire Diaries Score - Jenna's Funeral