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Episode 13 : Soumission

La fatigue du weekend se faisait sentir, nous traînions devant le lycée avec une envie d'y aller proche de zéro.

- Ca devrait être interdit de se lever aussi tôt !
- Tu l'as dit, répondit Aïko.

On accéléra le pas et à l'intérieur, il n'y avait déjà plus personne dans les couloirs, un froid glacial rôdait.
Puis Valdenn surgit de nulle part.
- Alors c'est à cette heure ci qu'on arrive ? fit-il remarquer.
- De quoi vous parlez ? s'étonna Aïko.
- Vous avez 6 minutes de retard.

- Vous plaisantez j'espère ?

- J'ai la tête de quelqu'un qui plaisante ?
- 6 minutes ça va, intervint Aïko, on n'a pas vu les minutes passer.

- Et les deux heures de retenues que je vous colle ce soir, vous allez les voir passer vous croyez ?

- Quoi ?! Vous êtes sérieux ?!

- Continuez à me répondre et je vous en ajoute deux de plus.

On préféra se taire pour ne pas que ça dégénère et on monta en cours.

- Il a vraiment une araignée pendue au plafond ce mec ! lança Aïko.
- Il nous a dans le collimateur, répondis-je, fallait s'y attendre.

- Ou alors il a une vie de merde et il se venge sur nous.

- Peut-être qu'il a chez lui une madame qu'il n'arrive pas à satisfaire et il se venge sur nous.
Ces deux là me firent éclater de rire, malgré l'énervement de bon matin.

- Hey ! Devinez qui a répondu "oui" à mon invitation pour la fête d'Halloween ?
- Vu l'excitation dans ta voix, dis-je, ça ne peut être qu'une personne dont on ignore tous encore le nom.
- C'est pas vrai ! s'étonna Aïko, il t'a toujours pas dit comment il s'appelle ?!
- Mais quoi ? C'est pour entretenir le mystère ! Fous-moi la paix.
- Non, James Bond est mystérieux. Lui c'est sûrement un psychopathe tueur en série !

Soudain, les hauts-parleurs se mirent en route et la voix de Valdenn résonna dans tout le bâtiment :
"Chers élèves, bonjour"

"Je suis au regret de vous annoncer que la musique ainsi que vos moments de détentes, dont vous bénéficiez chaque année en cette période, vous seront retirés à partir d'aujourd'hui et ce pour le reste de la semaine. Si vous tenez à remercier ceux qui en sont la cause, je vous conseillerais de vous tourner vers Daïna Elevane, Aïko Laos et Enza Weaver. Bonne journée à tous."

- Dites-moi que c'est une blague..

- Moi j'vous l'dis.. Ca pue grave.

- Sérieux, dit Aïko, on est devenu la cible préférée de ce tyran ! Il va pas nous lâcher.
- Il est au courant pour nous tous ? demanda blondinet numéro 2.
- Pour la déco ? Nan, il croit qu'on a fait le coup tous les trois.
- Mais il a pas de preuve !
- Il s'en fout.
- Il essaie de vous faire détester par tout le lycée, ajouta Jamy, je vous conseille de raser les murs.

- Merde !!
- Qu'est-ce que tu fais Ricky ?
- Je vire toutes les preuves de mon téléphone !
- T'as gardé des photos ?!
- Bah ouais c'était tellement énorme !

- Je sens que l'année va être longue..

- Ricky, qu'est-ce que tu fais ? demandai-je en empêchant sa main de s'approcher de moi.
- Rien, pourquoi ?

Son sourire bête et cette petite tentative d'approche me laissaient penser qu'il n'avait pas encore tourné la page. Je n'avais sûrement pas dû être si explicite que j'le croyais.

Les jours défilèrent et la tension au sein de l'établissement était palpable.
Alors on décida de s'échapper un instant dans notre QG.

Sauf que..

- Vous vous foutez de moi ? demanda-t-il d'une voix calme.

Figés sur place, on savait que ça allait chauffer. De toutes les conneries qu'on avait pu faire, je crois que celle-là arrivait touuuuut en haut de la liste.
Il était juste.. exaspéré, lassé, et trop interloqué pour se mettre en colère. Probablement un mélange de tout ça.

- Dans mon bureau, immédiatement.

Son calme nous glaçait le sang, ses veines étaient en train de tripler de volume, il contenait une rage qui pouvait être dévastatrice s'il la laissait s'échapper.

- J'ai du mal à trouver les mots, dit-il, je ne sais pas bien par quoi commencer. Est-ce qu'on parle d'abord de votre remarquable stupidité ou de votre inconscience aussi étonnante qu'effrayante ?
- Ecoutez.. dit Enza.
- Taisez-vous !! cria-t-il.

- Vous êtes.. La pire bande de crétins que j'ai pu voir jusque là !! Vous vous êtes installés sur le toit du bâtiment.. sur le.. sur le toit ! Du bâtiment !! 
Je ne le pensais pas si colérique, il était si enragé qu'il avait du mal à respirer.
- Vous arrivez à un tel point d'insouciance.. 
- Mais monsieur..
- Il n'y a même pas de barrière qui vous sépare du vide !!! Est-ce que vous vous rendez compte ?!!

- Mais ce n'est pas votre responsabilité à vous de mettre une barrière ?

Mais à quoi jouait-elle ??

- Bah quoi ? C'est vrai, pour la sécurité des élèves.. 
Je ne savais pas si c'était un rire nerveux ou provocateur qui s'échappait d'elle, mais ce n'était vraiment pas le moment.

- Mais oui c'est amusant ! Vous avez raison ! Je suis sûr que ça fera rire vos parents aussi quand je les appelerai pour leur raconter toutes vos conneries !

- Vous allez pas faire ça ?

- Vous voulez parier ?

- Arrêtez ça va trop loin, vous êtes pas obligé de faire ça.

- Mais je fais ce qu'il me plaît, mademoiselle Elevane, et vous savez quoi ? Tous les trois, vous avez gagné des retenues pour tout le reste de la semaine, ainsi que des corvées. 

- Non mais je rêve ! répondit Aïko, c'est de l'esclavage !
- Vous n'avez pas votre mot à dire.

- Aaaaah mais pourquoi vous vous acharnez sur nous comme ça ?!!

- Vous êtes dans mon établissement, vous m'appartenez. Rentrez-vous ça dans l'crâne. Et si vous mouftez, juste un peu, je balance tout le gros dossier que j'ai sur vous, préparé spécialement pour vos parents. Une accumulation de conneries que mon prédécesseur avait noté. Il était bien trop gentil pour montrer tout ça au grand jour, mais pas moi. Vous comprenez maintenant à qui vous avez affaire ? Parfait. Sortez de mon bureau.

- J'ai envie de lui faire mal !! J'ai envie de lui faire tellement mal !!
- On peut rien faire, Daïna, si nos parents à Aïko et moi sont au courant, ils vont revenir en ville et ils vont nous séparer c'est sûr. Je veux pas retourner chez mes parents. Et je veux pas qu'Aïko quitte le pays.
- Je sais, Enza. Je le sais très bien. 

En échange de son silence concernant nos parents, on accepta sans broncher de rester plus tard et de faire tout ce qu'il nous ordonnait de faire.

- Positivons les filles, si ça se trouve on va se découvrir une passion pour le jardinage grâce à lui.

- Les poubelles ! Sérieux ?! 

- Génial, ça va nous faire encore plus de merdes à ramasser.

- Ouais bah débrouillez-vous, moi j'ai encore tous les lavabos à nettoyer.

Au bout de quelques jours, on était épuisé.

Soudain, je fus réveillée en sursaut.

- Ma citrouille..

- Oh.. ça vous fait de la peine ? se moqua-t-il, on est sensible ?

- Hey.. se réveilla Aïko.

- Qu'est-ce qui se passe ?

- Mais qu'est-ce que vous faites ?!!

- Je vous donne du travail. Allez, au boulot.

De retour chez moi, Enza et Aïko me demandèrent de me connecter pour discuter.
Ils étaient paniqués, leurs parents les avaient appelé en demandant pourquoi le directeur du lycée leur avait laissé un message.
- Vous rigolez j'espère ?
- "Non pas du tout ! Je sais pas ce qu'on va faire !"
- Il leur a tout balancé ?
- "Il leur a juste dit qu'il voulait leur parler"
- Donc pour l'instant ils savent rien ?
- "A mon avis il va les rappeler demain, on est au bout du rouleau !"
Je pris le temps de réfléchir un instant, puis je les rassurai.
- Restez calme, je m'en occupe.
- "Qu'est-ce que tu vas faire ?"
- Je m'en occupe. Allez dormir.

Dès le lendemain matin, je me rendis à la première heure au bureau de Valdenn.
- Je peux entrer ?

- Bien sûr. Laissez-nous Jonathan, merci.
- Pas de problème, Helias.
- Et votre casquette, virez-la, montrez l'exemple aux élèves un peu.

J'attendis que la porte se referme puis je pris place.
- Vous êtes tombée du lit ce matin ? Ca doit être important. 

- Je viens en paix, je ne cherche pas le conflit.
- Ca change. J'apprécie.
- On a fait tout ce que vous vouliez en échange de votre silence. Mais vous n'allez pas tenir parole, n'est-ce pas ?

- Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?

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- Je sais que vous les avez appelé. 
- Je ne leur ai encore rien dit.
- Pourquoi ?
- Parce que je fais durer le suspens. Parce que j'aime jouer avec vos nerfs.
- S'il vous plaît, est-ce qu'on peut arrêter cette guerre ? Ca suffit, ça va trop loin. Vous avez gagné, d'accord ?
- Je vous avais prévenu.
- On peut arrêter ?
- Vous vous souvenez de ce que je vous avais dit ? Qu'un jour, vous seriez prête à me supplier d'arrêter ?
- Possible.
- Je veux l'entendre.

- Suppliez-moi.

- Vous.. Quoi ? Vous êtes sérieux ?

- Dites-le et j'arrêterai. Les parents de vos amis ne seront au courant de rien. 

Il savait que j'étais en position de faiblesse et il en profitait aisément. Comment pouvait-on être aussi tordu ? Je découvrais son vrai visage peu à peu. C'était un concentré de sadisme et de cruauté. Mais je n'avais pas le choix, je devais penser à ceux qui comptaient sur moi.
Alors je ravalai ma dignité.

- Je vous en supplie.. monsieur Valdenn, dis-je à contrecoeur, arrêtez ça.. 

Je ne m'étais jamais sentie aussi humiliée de toute ma vie. Ce sentiment de honte envahissait tout mon être, tandis qu'il souriait, fier de sa victoire.

J'avais capitulé, mais c'était pour la bonne cause. Cette guerre devait cesser.

*Musique : Hans Zimmer - First Step (Interstellar soundtrack)

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