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Episode 15 : Discordance

Dimanche après-midi, on se rendit entre bras cassés au café du coin pour passer un peu de temps tous les trois et en profiter pour un petit débriefing de la soirée.
Inutile de dire que cette terrasse un dimanche matin me rappelait des souvenirs..

- Un camion citerne de café pour moi ! demanda Enza.

- Tu serais pas en manque de sommeil ?
- M'en parle pas, on sort tous les weekend en ce moment.
- C'est vrai qu'on abuse un peu.

- Faut bien profiter de notre jeunesse, les filles, avant de devenir vieux et grabataires.
- Magnifique, tu nous vends du rêve..

En attendant notre commande, on s'installa autour du babyfoot.
- Hier, les profs étaient encore plus déchaînés que nous ! dit Aïko.
- C'est clair.
- Tu lui as dit pour Valdenn, Daïna ?
Je me figeai un court instant en angoissant à l'idée qu'elle était peut-être au courant.
- Quoi ?
- Y a un truc que je sais pas ? demanda Aïko.
- Elle a filmé Valdenn sur la piste de danse et on compte bien la balancer sur tous les réseaux sociaux.
- Bien joué.
Je soupirai discrètement de soulagement.

- Helena Ysis aussi s'est pas mal lâchée, enchaîna Aïko, elle a flirté avec moi toute la soirée.
- Je serais toi j'éviterais de m'en vanter, répondit Enza, elle a flirté avec tout le monde toute la soirée.
- Ça veut dire quoi ça ? Que personne peut être attiré par moi sans être éméché ?

- C'est pas ce que je voulais dire, tu le sais très bien, mais tu mérites mieux que Helena Ysis.

- Je rêve ou vous êtes en train de gagner ?!

- C'est bien réel, dis-je fièrement, on t'a mis ta raclée. 

- Pourquoi tu me regardes comme ça ? demandai-je.

- T'as l'air bizarre, je sais pas pourquoi.
- Je suis pas bizarre.
- Si, y a un truc qui cloche mais je sais pas encore quoi. Tu vas cracher l'morceau. Tôt ou tard. 

- Je vois pas de quoi tu parles. 
C'était la première fois que je cachais quelque chose à ma meilleure amie, je me sentais si honteuse de ce qui s'était passé que je n'osais même pas l'évoquer.

- Aïko, tu sens pas qu'y a un truc ?
- Hmmm ? Non, pas vraiment. 
- Ah toi laisse tomber.

- Et puis toi tu peux parler, c'est pas moi qui sors avec Star Wars sans connaître ni son nom, ni son numéro de téléphone, et encore moins son visage !

- J'te demande pardon ?!! Tu plaisantes j'espère ?

- Hey, laissez-moi tranquille, c'est pas si grave que ça. On s'entend bien et c'est le principal.

- Mais qu'est-ce qui va pas chez toi ? Un mec qui refuse de se montrer c'est louche, c'est même plus que ça ! Il est pas net alors arrête ça tout de suite.

- J'ai pas du tout envie de parler de ça, alors fous la paix à ma vie amoureuse et occupe-toi plutôt de la tienne.

- Parfait.

La situation devenait tendue, j'avais voulu me sortir du pétrin en changeant de conversion mais finalement, c'était sans doute pas ma meilleure idée de la journée. Alors on quitta le café.
- Et si vous arrêtiez de bouder et qu'on allait faire un tour au parc ? proposai-je.
- J'aurais bien voulu, répondit Enza, mais j'ai rendez-vous sur internet.
- Quel romantisme, marmonna Aïko.
- Avec Star Wars ?
- Oui.
- Pas de problème, on se voit demain en cours.
- Bonne journée à vous deux.

Assis au bord de l'eau, malgré le calme autour de nous, je sentais Aïko encore sur les nerfs.

- Hey, ça va ? Pense pas à ce qu'elle a dit, c'est pas grave. Ça lui passera. 

- Hmmm.

- Est-ce que t'es jaloux ? suggérai-je.
- Quoi ?? T'es malade ?? Pourquoi tu me demandes ça ?
- J'en sais rien, c'est ta réaction.

- Tout ce que je veux, c'est la protéger. Je réagis mal quand un inconnu sorti de nulle part l'approche en restant dans l'ombre.
- J'aime pas tellement non plus, ça pourrait être n'importe qui.
- Un tueur en série, un violeur, un détraqué psychopathe cannibale, on sait pas.
- T'as regardé trop de films d'horreur.
- Et vous pas assez on dirait.
- Je la surveillerai de près si ça peut te rassurer.

- J'ai envie qu'elle soit heureuse.
- Je sais, Aïko. 

- Allez viens là, dis-je en le serrant dans mes bras, j'aime pas quand vous vous disputez.
- Moi non plus. 

Après avoir essayé de le calmer, je rentrai chez moi et là.. non.. j'arrivais pas à y croire..

J'essayais de réaliser que Valdenn se trouvait bien devant chez moi à m'attendre probablement. Et le revoir me faisait ressentir des choses que je préférais nier et étouffer.

- Je peux savoir ce que vous faites ici ?
- Je pensais qu'on pourrait discuter.

- Je crois qu'on a des choses à se dire.

- Et moi je crois que vous dépassez les bornes et que si mon père vous voit encore une fois ici, il va péter les plombs. 
- Mais laissez-moi au moins..
- Ce qui s'est passé hier.. était une erreur, c'était inapproprié et débarquer jusque chez moi, ça l'est également. 

- Rentrez chez vous monsieur Valdenn, et on oublie tout ça.

Je continuai mon chemin sans me retourner. C'était certainement ma meilleure idée de la journée.

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