Episode 20 : Dr. Jekyll et Mr. Hyde
Aujourd'hui, j'étais de bonne humeur, en retard mais de bonne humeur. J'avais réfléchi toute la nuit à la fête de Noël et à la décoration.
Je décidai d'aller partager mes idées à celui qui nous avait proposé cette soirée.
- Hey Valdenn, lançai-je, comment ça va ?
- Monsieur.. Valdenn, reprit-il lentement.
- D'accord..
Dès le moment où je franchis le seuil de sa porte, je sentis que quelque chose n'allait pas. L'atmosphère était pesante, son visage était différent, son regard sombre semblait celui d'une autre personne, un regard presque menaçant. Même sa voix.. Elle était lente, basse et glaciale. Des frissons me parcouraient le corps tout entier, de la tête aux pieds, sa présence me faisait froid dans le dos. Je n'avais encore jamais ressenti ça.
J'avais cette impression étrange d'être en face d'un parfait inconnu, quelqu'un d'imprévisible, quelqu'un qui ne dégageait rien de rassurant. Et les battements de mon coeur s'affolaient peu à peu.
- Vous êtes en retard..
- Pas de beaucoup.
- Vous inquiétez pas, la retenue que je vais vous coller ce soir sera pas de beaucoup non plus.
- Vous êtes sérieux ?
- Je le suis toujours. Sortez d'ici.
- On peut savoir ce qui vous arrive aujourd'hui ? Au réveil, vous vous êtes dit "tiens aujourd'hui je vais faire chier l'monde" ?
- Hey !! cria-t-il, je suis pas votre pote ! Parlez-moi autrement et changez d'attitude !
J'étais, dans un premier temps, effrayée. Mais la colère me rattrapa aussitôt.
- Parlons-en du changement d'attitude, répondis-je, tout allait bien en ce moment, et là, vous sombrez encore dans le côté obscur de la Force !
- Allez-vous-en !
- Qu'est-ce qui se passe dans votre tête ?! Pourquoi vous changez de comportement comme ça ?? Mais qu'est-ce qui va pas chez vous ?!
- Ce qui se passe dans ma tête ne vous regarde pas ! Tout ce qui me concerne ne vous regarde pas ! Je ne veux rien avoir affaire avec vous !
- Oh vraiment ?! Vous étiez pas de cet avis l'autre soir, quand vous vous êtes jeté sur moi !!
- Vous l'avez dit vous-même, c'était une regrettable erreur. C'est déjà oublié. De toute façon, y avait rien d'exceptionnel à retenir.
Je ne pouvais plus supporter une humiliation de plus de sa part. C'en était trop. Je m'en voulais tellement de me laisser atteindre aussi facilement.
- Je vous savais cruel et sadique, mais pas lâche.
La vérité, c'est qu'il avait la trouille que ça se sache, j'en suis certaine. Il pouvait être tranquille, je n'allais rien dire, j'avais déjà honte rien qu'en y repensant.
Je pris la fuite aussitôt.
A midi, on se retrouva entre bras cassés à la cafète.
- Qu'est-ce que t'as ?
- Rien.
- Daïna, sérieux, qu'est-ce que t'as ?
- Mais rien.
- Pourquoi tu nous fais plus assez confiance pour nous parler ? s'inquiéta Aïko, on s'est toujours tout confié, qu'est-ce qui a changé ?
- Je me confierai le jour où j'en aurai besoin.
- Comme tu veux.
- C'est plutôt toi, Enza, qui as des choses à nous dire. Jamy et DR001, c'en est où ?
- J'en sais rien.
- DR001 c'est du virtuel, Jamy, il est bien réel lui.
- Je sais, Jamy, il est cool, il est là, il me plaît. Et DR001, je connais pas son visage, c'est vrai, mais je suis attachée à lui, vraiment. Chaque matin, il m'envoie un message pour me souhaiter une bonne journée, on parle de tout et de rien, comme si on se connaissait depuis toujours. Et quand on s'est embrassé à Halloween, j'ai su que c'était avec lui que je voulais être.
- Et Jamy, tu l'as embrassé ?
- Non, mais je vais devoir prendre une décision.
- Je vais poser un ultimatum à DR001, si jamais il refuse de se montrer, j'arrêterai. Ce sera terminé.
- Bonne idée, répondit Aïko.
Malheureusement, un prof s'installa à notre table, interrompant cette conversation.
Je rentrai chez moi, le moral dans les chaussettes.
Et je pris un moment pour réfléchir en admirant le coucher de soleil. Pourquoi c'était tombé sur moi ? Pourquoi est-ce que je m'étais attaché au seul individu s'coué d'la carafe de toute la ville et des villes voisines ? Juste pourquoi ?
Au bout d'un moment, ma mère me rejoignit en me demandant ce qui n'allait pas. Malheureusement, je ne pouvais pas avouer la vérité, je devais garder ce lourd secret au fond de moi, encore et encore.
Puis on resta là à bavarder pendant un long moment, malgré le froid. Et c'était tout ce dont j'avais besoin.
*Musique : Cliff Martinez - Royal Reception (Far cry 4)