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Episode 9 : Le doute

Je me sentais prête à affronter cette journée, les insultes n'étaient plus d'actualité, ils préféraient m'ignorer.
A une exception près..

- Vous allez bien Daïna ? demanda la prof.
- Je vais bien, merci.
- Ça m'étonne de vous voir aujourd'hui.
- Pourquoi ?
- Comme Valdenn est absent, on pensait ne pas vous voir. Vous allez survivre ?

- Elle devrait pouvoir s'en sortir, intervint Jamy.
- Mais je ne vous ai pas demandé votre avis !
- Vous manquez sérieusement de savoir-vivre et de maturité. On vous retient pas plus longtemps.
Vexée, elle s'en alla et Jamy prit place en face de moi.

- Qu'est-ce tu lis ?
- Oh.. juste une banale histoire d'amour. 
- Avec un happy end ?
- J'espère. J'espère vraiment.

- Peu importe le dénouement, je suis certain que ça ira pour la fille.

- On verra bien à la fin.
- Tu devrais pas rester seule.
- Je sais pas si t'as remarqué, mais je suis pas tellement la bienvenue parmi vous.
- Impose-toi. On a du mal à te reconnaître, il est passé où ton sourire ? Ta bonne humeur, ton rire, c'est où ? 
- C'est pas facile en ce moment.

- Relève la tête, Daïna. Et tu verras qu'on est toujours là. 
Il me toucha en plein coeur, sans prévenir..

- Merci, Jamy. 
- Pas de soucis. Tu sais où nous trouver.

Aujourd'hui, c'était détente dans tout l'établissement. Et oui, Helias était absent, il m'avait prévenu par texto, il ne souhaitait pas montrer ses blessures encore fraîches.
Alors tout le monde profita de cette belle journée en musique.

- Ça va Shaylee ?

- Je trouve ça drôle la différence de comportement quand Valdenn le terrifiant n'est pas là. On retrouve un peu l'ambiance des années précédentes avec Alan Denis.
- C'est vrai.

Aïko s'installa à côté d'elle et se lança :
- T'es très jolie aujourd'hui.
Elle le regarda d'un air surpris.
- Non enfin.. dit-il nerveusement, je veux pas dire que d'habitude t'es pas jolie, c'est juste que là tu..
- Merci, répondit-elle en souriant.

- On fait une soirée ciné ce soir avec Enza et Jamy, ça te dit de passer ?

- Avec plaisir.
- Cool.

Aïko avait beau aimer faire rire les gens et attirer l'attention, ça ne l'empêchait pas d'être un grand timide. Surtout lorsqu'il s'agissait d'aborder une fille qui lui plaisait.

- Merci pour ce que t'as fait pour Daïna, chuchota Enza, c'est gentil de ta part.
- C'est normal.

A la piscine.
- Encore en train de prendre un selfie ! dit Enza.
- Je mets à jour ma photo de profil.

- Je trouve que t'as pris beaucoup de photos ces jours-ci, lança Aïko.
- Je me suis découvert un talent de photographe. Mais je dois dire merci à Daïna qui a posé parfaitement. 
- Ça me fait pas rire. 
- Moi si. Et en les regardant encore, ça me provoque d'autres sensations maintenant, si tu vois ce que j'veux dire..

La nuit tombée, je rejoignis Helias jusqu'à chez lui, j'avais besoin de ma bouffée d'oxygène. Et je le trouvai accoudé à la rambarde.
- Hey, dis-je, qu'est-ce que tu fais dehors ?
- Je prends l'air. Tu vas bien ?
- Ça va.

- J'ai un endroit à te montrer.

- J'aime tes surprises.. Je te suis.

Il m'emmena jusqu'à un petit coin près de la rivière où une petite piscine naturelle s'était faite. J'en restais bouche bée. Je craquais totalement pour ce côté sensible qu'il osait me dévoiler.

- J'ai trouvé ça tellement beau, dit-il, Oasis Springs regorge de ce genre de petit coin.
- Tu passes tes nuits à crapahuter partout pour trouver ce genre d'endroit ??
- Quand j'emménage dans une ville, j'aime la connaître dans les moindres détails.
- Tu parles comme si t'avais habité dans plusieurs villes.
- J'aime voyager.
- T'habitais où avant de venir ici ?
- Pourquoi ?
- Comme ça, pour apprendre à te connaître un peu plus.
- Le passé, c'est pas bien important. C'est le présent qui compte, t'es pas d'accord ?
- Si si.
J'acquiesçai d'un hochement de tête, mais je ne pouvais pas m'empêcher de penser à ce que les bras cassés m'avaient raconté. Le problème c'est que je n'arrivais pas à lui en parler, peut-être par peur de sa réaction, ou par peur que ce soit vrai.

- Et si on passait la nuit à la belle étoile ? proposa-t-il.
- Quoi ? m'étonnai-je, mais c'était pas prévu.
- Et alors ?
Beau et Imprévisible, comment résister..
- T'es un peu barré comme garçon, dis-je en ricanant, mais j'aime bien.
- Je prends ça pour un oui alors.

- T'as prévenu tes parents que tu rentrais pas ce soir ?
- Oui, je te laisse imaginer la réaction.
- Je m'excuse encore pour ton père, j'aurais jamais dû me défendre comme je l'ai fait.
- Oublie ça.
- Quand il m'a ordonné de plus t'approcher, j'ai vu rouge, je contrôlais plus rien. C'est là que je me suis rendu compte de ce que je ressentais pour toi.
Ses paroles me procurèrent des frissons sur tout le corps.
- Je sais de quoi tu parles. Je ressens la même chose.

Unknown Track - Unknown Artist
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Puis on traîna des heures et des heures autour du feu, à observer le paysage, à se câliner et à discuter de tout, de rien.

- Ça va mieux avec tes amis ? demanda-t-il.
- J'en sais rien, pas vraiment.
- C'est toi qui t'éloignes d'eux ou ce sont eux qui s'éloignent de toi ?
- J'en sais rien. C'est compliqué.

- Je peux te poser une question ? demandai-je.
- Bien sûr.
- Tu te souviens au début de l'année, on s'est trouvé le même soir au même restaurant. J'étais avec mes parents et mes amis. Et toi, t'étais avec une femme.
- Oui, je me rappelle.
- C'était qui cette femme ?
- C'est le genre de personne qui n'est que de passage dans ta vie.
- Hmmm.. Jolie formule pour dire que c'était un coup d'un soir.
- Pourquoi cette question ?
- Et si on arrêtait de se demander pourquoi à chaque question ?
- D'accord, alors comme on est dans la jalousie.. Ce Ricky, tu serais pas sorti avec ?
Cette question me fit éclater de rire.
- Vaguement. 
- Hmmm, assez pour qu'il nous harcèle jusqu'à nous rendre fous. 
- Il s'en remettra. 

Il était conscient que quelque chose me tracassait, je n'étais pas aussi bavarde et enjouée que d'habitude, je ne parvenais pas à dissimuler toutes ces pensées qui m'envahissaient l'esprit.
- Qu'est-ce que tu as ? Hein ? 
- Rien.
- Daïna, regarde-moi. Qu'est-ce que t'as ? A quoi tu penses ? Pourquoi tu me regardes pas ?
- Y a rien, je te dis, ça va.
- Je dois faire semblant de te croire ?

- Je suis fatiguée, c'est tout.
- T'es sûre de ça ?
- Oui.
- Bien..

Puis je tombai de sommeil.

Au réveil, je ne décrochais pas un mot, toujours hantée par toutes ces interrogations qui me dévoraient.
- Daïna, tu vas me dire ce que t'as, ça suffit. Parle ! Si t'as quelque chose à dire, dis-le.

A ma grande surprise, je lâchai prise instantanément, par peur de ne pas retrouver ce courage une autre fois.
- Jenny Solendria. Est-ce que ça te dit quelque chose ?

Il se figea sur place, complètement décomposé. Je suppose qu'il ne s'y attendait pas à celle là.

Il fit quelques pas en arrière et s'assit, comme sonné pendant un instant.
- Tu veux pas me répondre ?
Son silence me terrifiait, je voulais qu'il me réponde quelque chose de rassurant, quelque chose qui allait me permettre de me dire que je n'étais pas amoureuse d'un cinglé au lourd passé.

- Helias.. Est-ce que t'as connu cette fille ?

- Je l'ai connu. C'était une de mes élèves, mais ça je pense que tu le sais déjà.

- Qu'est-ce qui s'est passé avec elle ?

- Des histoires. Des problèmes. 
- C'est à dire ?
- C'est un interrogatoire ?
- On m'a raconté des choses, j'aimerais savoir si c'est vrai.
- Je n'ai jamais touché Jenny Solendria, si c'est bien ça ta question. Je l'ai assez répété, aux élèves, aux parents, aux habitants de Windenburg et aux flics. 
- Qu'est-ce qui a déclenché tout ça ?
- J'étais quelqu'un de laxiste avant, un peu trop. J'étais proche des élèves et j'aurais pas dû. J'ai retenu la leçon et je veux plus en parler. 
- C'est un peu trop facile ça.
- Qu'est-ce que tu veux que j'te dise ?
- T'étais proche d'elle comme t'es proche de moi ?
- Non, bien sûr que non. Les gens ont parlé d'elle comme ils auraient pu parler d'une autre, j'avais des principes quand même.
- Des principes que t'as un peu oublié avec moi. T'aurais pu les oublier avec elle.

- Qu'est-ce que t'essayes de faire ?

- De connaître la vérité.

- Bien, répondit-il en se levant, quoique je dise, tu me croiras pas de toute façon. Tu devrais rentrer chez toi.

Quand je le vis s'éloigner, je regrettai immédiatement d'avoir balancé tout ça, et je le rattrapai.
- Attends, t'en vas pas.
- Je connais ces mots accusateurs et ce regard méprisant, mais venant de toi, je le supporterai pas.
- Oublie ça. Je comprends que ça n'a pas dû être facile à vivre.
- Tu peux me faire confiance.
- Je sais. Fallait juste que ça sorte.

- Je suis fatigué de tout ça et je pensais que c'était derrière moi.
- Je suis désolée.
- Je te l'ai dit, c'est le présent qui m'intéresse. Le passé appartient au passé.

*Musique : Scorpions - Wind of change (piano solo)

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