Episode 3 : Les premiers cours
Un jour j'ai entendu : "Si tu n'arrives pas à sortir quelqu'un de ta tête, c'est peut-être qu'il est supposé y rester".
Je savais que j'avais encore des sentiments pour lui, mais je n'arrivais pas à savoir si je l'aimais autant que je le haïssais.
Amour et haine, comme pile et face d'une pièce de monnaie.
L'arrivée d'Enza dans ma chambre m'arracha à mes pensées nostalgiques.
- Hey.. Ça va pas ? s'inquiéta-t-elle.
Je me contentais de renifler, aucun son ne semblait avoir envie de sortir.
- Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Rien en particulier, répondis-je d'une voix brisée.
- Donc tes larmes coulent sans raison.
- C'est ça.
- Je t'écoute.
- Crois-moi, t'as pas envie d'entendre ça.
- Daïna, tu peux tout me dire, et tu le sais. En plus, j'ai du temps devant moi, je comptais squatter ici cette nuit. Harmony passe en boucle "Libérée, délivrée" pour s'endormir, une torture pour mes oreilles et moi. Alors, qu'est-ce qui se passe ?
- J'arrête pas de penser à Valdenn, je sais que tu le détestes..
- Oui mais toi tu l'as aimé, et je respecte ça, t'en fais pas.
- J'arrive pas à oublier. Ça fait trois mois que j'ai plus de nouvelles et c'est tellement dur, tu peux pas imaginer.
- Tu sais, on le connaissait pas en réalité, et malgré tout ce qu'il nous a fait, je pense que ce qu'il ressentait pour toi était sincère.
- Je le déteste autant que vous, tu sais, mais..
- Qui est ce qu'on déteste ? demanda Aïko en entrant à son tour.
- Valdenn, répondit Enza.
- Ah.. Coup de blues ?
- Je suis désolée de vous embêter avec ça.
- T'as pas à t'excuser, dit Aïko, si t'as besoin d'en parler, ce qui est normal, tu peux venir vers nous.
- Il a raison, y a aucun problème avec ça.
- Merci.
- Pourquoi tu dormais pas ?
- Gart parle en dormant.
- T'étais dans le même lit ?
- Plaqué contre le mur avec un traversin entre nous, oui.
- Et il disait quoi ?
- Je préfère pas en parler.
- Je t'échange Gart contre Harmony.
- Ou alors on colle Gart à Harmony Land et on partage la chambre tous les deux.
- Pas question qu'on dorme dans le même lit, oublie ça.
Aïko conclut la conversion en soupirant, puis la pièce se plongea dans un profond silence.
Le lendemain, on partit découvrir un peu plus loin le bâtiment regroupant plusieurs salles de cours, dont celle de psycho où je m'étais inscrite et celle d'ingénierie informatique où Aïko allait faire des prouesses.
- Je suis trop excité !
- Moi aussi. J'espère qu'Enza va pas trop se sentir seule.
- Elle nous rejoint un peu plus tard.
- Excusez-moi, monsieur, interpella Aïko, je cherche les cours de Roy Zvati.
- C'est juste au dessus.
- Merci, je me suis perdu, je suis en retard.
- C'est pas un soucis, vous pouvez venir quand vous voulez, vous n'êtes pas obligé d'arriver à l'heure ici.
- Ah, bah j'en connais une que ça va arranger ça.
Enza était restée sur place, dans le bâtiment des arts, proche de l'établissement administratif.
- Et bah y a encore du boulot..
- La piscine est ouf ! lança Aïko en interrompant ma lecture, faut que je vous montre ça !
- J'appellerai Enza pour qu'elle nous retrouve là bas.
- Sérieux, cette université est géniale ! A part la répartition des chambres, tout est parfait.
- Ouais.. A propos de ça, j'ai un truc à te dire. Tu sais, on nous a répété que pour être là où on est, c'est qu'on avait payé un supplément.
- Oui, mais c'est pas le cas.
- Je sais qui l'a fait pour nous.
- Ah bon ? Bah vas-y, dis.
J'hésitai quelques secondes, puis je lançai la bombe.
- C'est Valdenn.
- Dis quelque chose..
- Tu.. Tu peux répéter..
- C'est Valdenn qui a..
- J'ai entendu !
- Mais tu m'as dit..
- Excuse-moi ?!! C'est Valdenn qui nous a foutu dans cette merde !!
- Non mais je te jure que c'est pas si terrible que ça en a l'air.
- Ah tu crois ?! Ça veut juste dire que le pire psychopathe qu'on connaisse est capable de diriger notre vie à distance !
- Tu penses pas qu'il est dans l'coin ?
- Je dirais plutôt qu'il connait assez de monde pour exécuter ses ordres. Et tu me dis ça que maintenant ??
- Ça va aller, Aïko, fais-moi confiance.
- Parle pour toi, il te porte dans son coeur mais nous.. On va morfler toute l'année.
- Mais non..
- On en reparlera. Appelle Enza, dis-lui de nous rejoindre.
- J'ai reçu un mail, dis-je, le directeur m'attend dans son bureau.
- C'est pas vrai ?
- Si.
- Qu'est-ce que t'as fait ?
- Mais rien !
- Je le sens mal..
- Ça peut pas être pire que de découvrir qu'on est encore les marionnettes d'un cinglé en liberté.
- Et si on tombait encore sur un directeur louche et tordu ? Ce serait bien notre chance..
- Mais non, je l'ai déjà croisé, il est pépère, tu vas l'apprécier.
- C'est sûr qu'une erreur de jugement, ça nous est jamais arrivé..
- Respire, ça va bien se passer.
- Hey, lançai-je, en pleine lecture ?
- C'est ça, comment tu vas ?
- Bof, j'ai rendez-vous dans le bureau du directeur, j'appréhende.
- J'allais rentrer, je t'accompagne ?
- Pas de soucis.
- Il te veut quoi ?
- J'en sais rien, c'est bien ça qui me fait peur.
Je sentais mon coeur battre comme s'il voulait à tout prix sortir de ma poitrine.
Je frappai et ouvris la porte.
- Daïna Elevane ? demanda-t-il d'un air charmant et amical.
- Oui.
- Bonjour, asseyez-vous.
- Bonjour.
- Je suis Frank Dayle, je tenais à mettre un visage sur votre nom.
- Je vois, vous faites ça avec tous vos élèves ?
- Absolument.
- Je ne vais pas vous mentir, j'ai entendu parler de vous, je m'intéresse beaucoup à l'histoire des élèves de cette université.
- Et qu'est-ce qu'on vous a dit ?
- Ce qui s'est passé avec l'ancien directeur de votre lycée.
- Ah, ça.
- Vous n'avez rien à craindre, ça n'arrivera pas ici, vous pouvez vous sentir en sécurité. Je veille sur tout le monde, et je veillerai à ce que vous vous sentiez comme chez vous.
- C'est gentil.
- En contrepartie, j'attends de vous que vous vous concentriez sur vos études et que vous m'apportiez d'excellents résultats.
- Je vais vous épater.
- Parfait.
- C'est qui lui ? demanda Aïko.
- Je sais pas.
- Tu trouves pas qu'il ressemble à quelqu'un ?
- Elle a le sourire, c'est tout ce qui compte.
- Il ressemble à quelqu'un qu'on connaît, c'est sûr.
- C'est cool de la voir rencontrer des gens.
- Il te rappelle vraiment personne ?
- Merde ! Aïko ! On s'en fout, okay ?
- Finalement, c'était rien.
- Bah tu vois, fallait pas stresser.
- Qu'est-ce que tu viens faire là ? demanda calmement Frank Dayle.
- M'assurer que tu ne perds pas notre objectif de vue.
- Ce n'est pas le cas.
- Je veux être au courant de tous ses faits et gestes.
- T'es certain de vouloir faire ça ?
- Certain.
- Y aura pas de retour en arrière possible.
- J'en attends pas moins.
- Frank, dans une guerre, des innocents sont touchés à chaque fois. Fais taire ta conscience.
- Ainsi soit-il.
- Faut que je te laisse, dit-il en se levant.
- Attends, je connais toujours pas ton prénom.
- Tyler.
- Okay, je m'appelle Daïna.
- Alors à plus tard Daïna.
- A plus tard.
- Merci Valdenn !
*Musique : Simple Minds - Mandela Day (Peter Oldfield version)