Episode 8 : Les Valdenn
- J'arrive pas à y croire.. dis-je, elle a juste.. crâmé.
- J'ai les boules, lança Aïko.
- On sait de quoi ça vient ?
- Les pompiers ont dit qu'on avait probablement oublié d'éteindre des bougies dans le salon, répondit Enza.
- Paraît que c'est assez courant, dit Jenny.
- Ouais, sauf que plus personne y habite !!
- Ah.. dit Gart, c'est moins courant du coup.
- J'espère que vous étiez assurés ? demanda Jayk.
- Nos parents s'occupent de tout, c'est pas la question, une baraque prend pas feu toute seule !
- Qui veux-tu que ce soit ? m'étonnai-je.
- On a bien quelqu'un en tête mais je suis pas sûre que ça te plaise.
- Arrête, il ferait jamais ça.
- Tu crois ?
- Pour quelle raison il aurait.. Non, c'est impossible.
- Parce qu'il nous aime pas !
- Il nous déteste, et c'est réciproque.
- Il irait pas jusque là, je vous dis.
- Si vous parlez de qui je crois que vous parlez, intervint Jenny, bien sûr que si, il irait jusque là.
- Merci de soutenir, soufflai-je.
- Tu crois sérieusement que je vais soutenir le mec qui m'a fait vivre un enfer pendant toute une année ?
- Même pas en rêve, ajouta Jayk.
- Si c'est pas lui alors c'est qui ? s'énerva Enza.
- C'est peut-être accidentel.
- Daïna, personne n'habite dans cette maison depuis notre départ.
- J'en sais rien moi, mais je sais juste que c'est pas lui.
- Qu'est-ce que t'en sais ??
- Et pourquoi brûler une maison vide ? Si c'est lui, il sait très bien que vous vivez ici, puisque c'est lui qui vous a placé dans vos chambres.
- C'est un avertissement !
- Un avertissement de quoi ?!
- J'en sais rien !!
A bout de nerfs, Enza éclata en sanglots.
J'avais du mal à imaginer ce qu'on pouvait bien ressentir en apprenant que notre maison n'était plus qu'un gros tas de cendres. Mais je refusais de croire un seul instant que le coupable pouvait être l'homme que j'avais tant aimé et que j'aimais encore.
- Ça va aller, dis-je en essayant de me montrer réconfortante, on saura le pourquoi du comment un jour, je te le promets. En attendant, essaie de relaxer, t'es en sécurité ici, rien ne peut nous arriver. D'accord ?
- Je suis au bout du rouleau.
- Je sais, mais tiens le coup, on aura la paix un de ces jours.
- J'espère.
- T'avais plus besoin de ta vieille maison crâmée, lança Harmony, maintenant t'as un château de princesse !
- Et rien ne brûle à Harmony Land, ajouta Jayk.
- Je dois vous laisser, dis-je.
- Où tu vas ?
- J'ai rendez-vous avec quelqu'un pour des photos.
- Avec qui ?
- T'es devenue flic ?
- Avec qui ?!
- Avec Tyler..
- Avec Tyler ?!
- Oui..
- Tu cherches vraiment les ennuis.
- Pourquoi ? Il est sympa, c'est mon pote.
- On s'en fout, ça va foutre la merde entre le cuistot et toi .
- Mais non.
- Mais si ! Si tu pouvais m'écouter pour une fois, je t'ai dit de t'éloigner de ce mec, t'as pas besoin de lui.
- Ça va, c'est que des photos, et puis c'est trop tard, il doit m'attendre.
Enza se contenta de soupirer.
Au bout d'un quart d'heure à l'attendre, je décidai de me rendre jusqu'à sa chambre pour le chercher.
La porte étant entrouverte, je me permis de passer la tête et d'entrer.
J'en profitai pour jeter un oeil à la déco de sa chambre, espérant peut-être en apprendre un peu plus sur lui.
Quand soudain ! Quelque chose attira mon attention.
Après plusieurs minutes de recherches dans tout le campus, je terminai par le bâtiment administratif.
- Tiens, Daïna ! lança-t-il.
- T'as l'air surpris de me voir ?
- Y a un problème ?
- T'as pas l'impression qu'on devait se voir pour mes photos ?
- Demain ?
- Aujourd'hui !
- Oh..
- En tout cas, me voilà rassurée, ton téléphone va bien. Vu que tu me réponds pas depuis tout à l'heure, je me disais qu'il était pété. Mais je me disais aussi que tu devais être un peu trop occupé à braquer une banque !!
- Excuse-moi ?!
- Je m'étais tellement emportée que tout le monde se retourna une seconde.
- Oh arrête de faire l'innocent ! J'ai trouvé le sac dans ta chambre ! Tu vas me faire croire que t'as gagné tout ce fric en vendant de l'orangeade sur le bord de la route ?!!
- Ah ça te fait rire ?
- Je rigole pas, je souris.
- Tu trouves ça drôle ?
- Non, c'est ta réaction..
- Super ! T'as raison, continue de te foutre de ma gueule !
- Tu m'as même pas laissé le temps d'en placer une..
- Bah je t'écoute. D'où ça vient ?
- C'est compliqué.
- Je vois.. Enza avait raison, j'ai pas besoin de toi et de tes problèmes.
- Daïna..
- Qu'est-ce qu'on fait ? demanda le directeur ayant entendu la conversation.
- On attend, Frank, on attend.
Au commissariat, les bras cassés avaient été appelé par le lieutenant Gloy.
- Je suis désolé de ne pas vous avoir donné de nouvelles ces derniers jours, j'étais sur une piste à quelques kilomètres d'ici.
- Une piste ? demanda Enza, quel genre ?
- Le genre quelqu'un qui connaît quelqu'un qui connaît quelqu'un qui connaîtrait peut-être l'adresse de Valdenn.
- Sérieux ? Et ça donne quoi ?
- Je vous demande d'arrêter d'enquêter.
- Quoi ?
- J'aurais jamais dû vous demander de faire ça, je ne m'étais pas rendu compte à quel point c'était dangereux.
- La vie est dangereuse, lieutenant ! Quand on traverse la route, on est en danger, et quand on mange une pomme, on n'est pas à l'abri de s'étouffer ! On vient d'apprendre que notre maison à Oasis Springs vient de brûler, et on est à peu près sûr que ça vient de lui !
- Vraiment ?
- On va pas abandonner maintenant ! Il faut l'enfermer !
- Je te comprends, dit Enza, moi aussi j'ai envie d'aller jusqu'au bout et de le trouver enfin, mais si c'est trop dangereux, je veux pas le regretter.
- On y est presque, il a l'adresse..
- Je n'ai pas l'adresse, je travaille dessus.
- Ecoutez, je ne lâcherai pas, je ferai tout pour le trouver, et j'enquêterai sur ce blond dont vous m'avez parlé.
- Pourquoi vous avez changé d'avis aussi rapidement sur le danger de cette enquête ?
- J'ai reçu un message d'un numéro inconnu, ça me disait d'arrêter de chercher.
- Putain.. chuchota Aïko.
- On m'avait déjà prévenu quelques jours avant, je ne sais pas s'il y aura un prochain avertissement, et je refuse que ça vous tombe dessus également.
- Vous pensez que c'est lui ? demanda Enza.
- Je ne vois pas qui ça peut être d'autre.
Adam m'avait proposé une petite sortie au repère du pirate, tous les deux, et mon dieu que je me sentais bien ! Malgré le fait que je pensais tout de même à cette petite engueulade avec Tyler.
- T'as l'air contrariée, dit-il.
- Je me suis un peu disputée avec quelqu'un.
- Tu veux en parler ?
- Rien de grave, t'inquiète pas.
- J'ai quelque chose qui va te remonter le moral.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Devine.
- Je sais pas, dis-moi.
- Je me suis renseigné pour ton stage, apparemment, ce serait très positif.
- C'est vrai ?
- C'est vrai.
- Merci Adam, t'es trop gentil.
- Je t'en prie, c'est normal.
- Pourquoi tu me regardes comme ça ? demanda-t-il.
- Parfois, j'ai l'impression que c'est trop beau pour être vrai.
- De quoi tu parles ?
- De tout, de nous, de toi surtout.
- Pourquoi ?
- Je sais pas.. T'es beau, t'es adorable.. Tu fais la cuisine.. J'ai l'impression que ça cache un truc.
- Tu crois que je te cache quelque chose ?
- Peut-être ?
- Au risque de te décevoir, je suis quelqu'un de banal, avec une vie banale.
- Y a rien de mauvais dans la banalité, tu sais pas à quel point ça fait du bien de rencontrer quelqu'un de banal comme tu dis.
- J'aimerais être quelqu'un de spécial pour toi comme tu l'es pour moi.
- Mais tu l'es. J'ai attendu quelqu'un comme toi depuis tellement longtemps.
- Avec le temps, t'apprendras à me connaître si t'en as envie, tu verras que j'ai rien à cacher.
- Je te crois.
- J'espère.
Même si mon coeur battait encore pour un autre, je sentais que Adam pouvait s'y glisser doucement un de ces jours.
L'apaisement que je ressentais auprès de lui devenait addictif, je n'imaginais même pas m'en séparer une journée. Alors je décidai d'arrêter de me poser des questions, et de simplement lâcher prise.
- Hey Daïna ? appela Jenny, tu peux venir ?
- J'arrive.
Adam me laissa partir avec un charmant sourire et s'en alla de son côté, observé par Jayk et Jenny.
- Adam Parker, lança-t-elle, très bon choix.
- On s'entend bien.
- Il est beau gosse.
- Je dois avouer..
- Bon, il faut qu'on te parle.
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Vas-y doucement, ajouta Jayk à son amie.
- Et bah, vous allez presque me foutre les j'tons.. Qu'est-ce qu'il y a ?
- Avec tout ce qui s'est passé l'année dernière, on a vraiment du mal à comprendre pourquoi tu traînes avec Tyler Valdenn. Je croyais que t'avais tourné la page ? Mais c'est pas la page qu'il faut tourner, faut changer de livre carrément.
- J'avais dit doucement, soupira Jayk.
- Tyler Valdenn ? répétai-je sans réaliser tout de suite.
- Oui, le Tyler avec qui tu traînes, Helias c'est son frère.
- Son ?
- Frère.
- Tu l'ignorais.. se rendit compte Jenny.
Aucun son ne sortait. Je restais là, figée sur place.
- Heureusement que je te préviens, tu te serais tapé les deux frères Valdenn !
- Jenny.. souffla Jayk.
- Pardon.
- Excusez-moi, faut que je vous laisse.
- Mais ça va aller ? s'inquiéta Jayk.
- Oui.. Faut que j'y aille.
Après ce coup de massue, j'avais besoin de m'isoler. Mais le destin en avait décidé autrement.
- T'es pas un braqueur de banque. T'es juste.. un Valdenn.
- C'est pour ça que je sais rien de toi, c'est pour ça que tu apparais et disparais sans que je m'en rende compte au moment où j'en ai le plus besoin. T'es un Valdenn.
- Un nom lourd à porter, murmura-t-il.
- J'en conclue donc que t'as connu Helias.
- Je l'ai connu.
- Qu'est-ce qu'il t'a fait ?
- C'est compliqué.
- C'est toujours compliqué avec lui.
- T'es resté en bon terme avec lui ? demandai-je.
- Si tu l'as cotoyé assez de temps, tu sais que c'est très difficile de l'aimer sans le détester.
- Oui.. soupirai-je.
- J'étais assez proche de lui, mais j'ai jamais su qu'il avait un frère.
- Il est comme ça, il parle pas de lui, ni de sa famille.
- Ça n'a pas dû être évident de grandir avec un frère comme lui.
- Quand on était plus jeune, je devais avoir 8 ans et lui une quinzaine d'années. Nos parents nous avaient emmené en vacances en Italie. Un jour, on avait découvert une petite crique magnifique, et y avait un rocher gigantesque. Des gens sautaient de là-haut, c'était vraiment impressionnant. J'ai grimpé jusqu'au rocher avec Helias, il a à peine regardé en bas et il a sauté. Moi, j'étais immobile, accroupi au bord du vide et complètement terrifié. Je voyais des enfants encore plus jeunes que moi sauter sans réfléchir. Je suis resté là un long moment à hésiter mais j'avais beaucoup trop peur de franchir le cap. Alors Helias m'a rejoint, il s'est assis à côté de moi, il m'a pris la main et il m'a dit qu'il allait sauter avec moi mais que c'était très dangereux. Parce que s'il sautait et que je changeais d'avis au dernier moment alors qu'on se tenait la main, on aurait pu être blessé lui et moi. Il m'a dit que dans la vie, ce serait la même chose, qu'on serait toujours lié, et que face aux obstacles, il ne fallait pas qu'on se lâche.
- Est-ce que t'as sauté ?
- J'ai sauté. Tu sais pourquoi ?
- Il t'a donné du courage ?
- Non, j'avais vraiment peur du vide, y avait aucun courage là dedans. Mais j'avais encore plus peur qui lui arrive quelque chose. Alors il a sauté pour moi et j'ai sauté pour lui.
- Le monde connaît mon frère comme le grand manipulateur qu'il est. Moi je le connais comme celui qui m'a aidé à franchir tous les obstacles de la vie, peu importe les risques. Et ça me fait mal de savoir que personne ne le connaît comme moi.
- Je me suis toujours demandée si c'était un rôle qu'il jouait, dis-je, j'ai aussi imaginé qu'il avait dû avoir une enfance difficile pour devenir comme ça.
- Il a eu une enfance normale, nos parents étaient formidables avec nous.
- Alors qu'est-ce qui s'est passé ?
- Rien, il s'est rien passé.
- Doit y avoir un élément déclencheur, il a peut-être fait de mauvaises rencontres avec des personnes peu fréquentables?
- Daïna, tu comprends vraiment pas ? C'était lui la personne peu fréquentable, ça a toujours été lui.
- Il s'est toujours senti incompri, mais il a jamais donné envie aux gens d'apprendre à le connaître, il préférait les faire fuir.
- Je sais de quoi tu parles.
- Quand il aime quelqu'un, par contre, c'est passionnel, et il donnerait sa vie pour ce quelqu'un.
- C'est dur de l'aimer, tout autant que de le haïr.
- Allez, dit-il en se relevant, assez parlé de lui.
- Il va avoir les oreilles qui sifflent.
- En tout cas, soupirai-je, qu'on l'aime ou qu'on l'aime pas, il nous laisse pas l'oublier.
*Musiques : Gregoire - Toi + moi (instrumental version)
Steve Jablonsky - Desperate Housewives
Paul Haslinger - Peeping Matt