Episode 12 : Choc émotionnel
Helias avait demandé à Enza et Aïko de l'attendre dehors, le temps qu'il se nettoie un peu les mains et le visage.
- On s'en va ! s'énerva Aïko sous le coup de l'adrénaline, on s'en va et on appelle la police !
- Très mauvaise idée, répondit Helias.
Enza, sous le choc, ne pouvait parler.
- Est-ce que ça va ? demanda-t-il aux bras cassés.
- "Est-ce que ça va ?" répéta Aïko, sérieusement ?
- Je sais que ça peut paraître légèrement déroutant mais..
- "Déroutant" ?!
- "Déroutant" ?! répéta Aïko surexcité tandis qu'Enza se retenait de pleurer, c'est une putain de boucherie à l'intérieur!! Mais qu'est-ce qui s'est passé ?! Est-ce que c'est vous qui avez tué ces hommes ?
- Qui d'autre ?
- Mais pourquoi ? demanda Aïko, je peux comprendre que vous vouliez pas qu'on vous retrouve mais aller jusqu'à commettre un double homicide ! Ces gens là ne méritaient pas qu'on les massacre !
- T'as vraiment rien compris à l'histoire.. Si j'avais pas été là ce soir, c'est votre sang qui tapisserait les murs, vos corps à la place des deux macchabées.
- Relax, je suis là pour vous protéger.
- Parce que c'est censé nous rassurer ?
- On a eu quelques différents l'année dernière, mais je ne souhaite pas votre mort, je ne suis pas un monstre contrairement à ce que vous pouvez penser.
- Alors dites-nous qui souhaite notre mort.
- L'adresse que votre lieutenant avait trouvée, celle où habite la personne qui, soi-disant, connaîtrait mon adresse. Ce n'était pas ici, elle a été modifiée dans le dossier avant que vous vous le procuriez.
- C'était un piège ? De qui ?
- De Kolynn Viks et de son clébard qu'on appelle chef de la police.
- Le maire ?!
- Il est bien plus que ça.
- Vous comptez nous raconter toute l'histoire ou pas ?
- C'est ni l'endroit, ni le moment..
- Bien sûr que si ! C'est le moment !
- Vous n'avez pas à être au courant de tout, celui qui doit l'être c'est votre lieutenant de police, vous allez lui faire passer un message.
- Et qu'est-ce qu'on fait pour Daïna ?
- Vous ne lui dites rien.
- Je sais pas pourquoi mais je l'avais vu venir. Si vous tenez encore un peu à elle, vous ne voulez pas qui lui arrive quelque chose, il faut lui dire. De toute façon, elle en sait déjà beaucoup.
- Il vous est arrivé quelque chose parce que vous vous en êtes mêlés, si on ne l'entraîne pas là dedans, elle risque rien. Je m'occupe de tout.
- Ça va aller ? s'inquiéta-t-il en observant Enza.
Mais elle demeura muette.
- Rappelez-vous, ne faites confiance à personne, excepté moi, et Harvey aussi. D'accord ?
Ils hochèrent la tête en guise d'acquiescement.
- Tout va bien se passer, je vous le promets. Y aura un putain d'happy end à cette histoire.
- Helias ? répéta Kolynn, t'es sûr ?
- Je le suis, je l'ai vu. Et les deux gamins étaient en un seul morceau.
- Hmm.. C'est fâcheux.. Contrariant et surtout très problématique.
- Tu penses que c'est Tyler qui a bavé à son frangin ?
- Non, impossible. Il était avec moi tout ce temps.
- Alors qui nous a trahi ?
- C'est étonnant de la part du chef de la police de ne pas voir cette évidence.. Une seule personne était au courant en dehors de nous et Tyler.
De retour sur le campus, Enza et Aïko pensaient enfin pouvoir souffler. Ils ne s'étaient pas adressés la parole de tout le chemin, Enza luttait pour réussir à respirer et ne pas vomir, tandis qu'Aïko faisait comme s'il n'était pas atteint par la situation.
- Dieu merci.. lança Harvey, ils sont vivants..
- Mais bordel qu'est-ce que vous avez foutu ?!! s'écria-t-il, ça vous arrive de répondre au téléphone ?! Bordel de merde ! J'ai failli mourir d'inquiétude !
- On a failli mourir tout court.. marmonna Aïko.
- Quoi ?
- Rien.
- J'attends vos explications.
- Je suis hyper fatigué, répondit Aïko, je voudrais aller me coucher.
- Tu.. penses t'en sortir comme ça ?
- Appelez Valdenn, il vous expliquera. Et vous, dit-il au lieutenant, passez me voir demain, j'ai un message à vous transmettre.
- Reste là Enza, dit le lieutenant, je l'accompagne jusqu'à sa chambre et je viens te chercher.
- Je connais le chemin, répondit Aïko.
- Je ne vous quitte plus des yeux.
- T'as perdu ta langue, toi ?
Le lendemain matin, je venais de vivre une nuit magique dans les bras du garçon pour qui mes sentiments s'intensifiaient un peu plus chaque jour. Oui c'était bien niais mais c'était vrai !
- Alors, lança Adam, quel est le programme aujourd'hui ?
- Hmm, répondis-je en prenant une bouchée de cet appétissant pain au chocolat, on a cours en commun je crois.
- Je pensais qu'on passerait la journée ensemble.
- Bé c'est ce que je viens de dire.. On a cours en commun aujourd'hui.
- Tu préfères pas qu'on profite du soleil ?
- Ça fait plusieurs cours qu'on sèche.
- On est à l'université, tout le monde s'en fout, tout le monde fait ce qu'il veut. Et la chaleur va bientôt disparaître.
- C'est pas faux.
- Balade en ville ?
- Balade en ville.
Non, je ne me lassais pas de cette magnifique bulle dans laquelle nous vivions tous les deux, il n'y avait que lui et moi, et j'adorais ça.
- Je peux m'asseoir ? demanda le lieutenant.
- Bien sûr.
- C'est bon ? Tu t'es reposé cette nuit ? Tu vas pouvoir m'expliquer ce qui s'est passé. C'est quoi cette histoire de message à me transmettre ?
- On s'est rendu à l'adresse qu'il y avait dans votre dossier.
- Quoi ?!
- Quand on est arrivé, il y avait du sang partout. Et Valdenn se tenait au milieu de la pièce, il avait massacré des hommes de Kolynn Viks, le maire. C'est lui qui nous veut du mal, c'est lui et votre chef les responsables des incendies!
- Donc, non seulement vous m'avez désobéi mais en plus vous m'avez pas prévenu ! Vous auriez dû m'appeler sur place directement !!
- Mais lieutenant..
- Je vous avais dit d'arrêter de chercher !!
- Lieutenant, on l'a trouvé. C'est presque terminé, vous vous en rendez pas compte ?
- C'est lui qui vous a trouvé.
- Le résultat est le même. Il veut vous voir.
- Quoi ?
- Il veut vous rencontrer, il vous donnera le lieu et l'heure par message d'un numéro inconnu.
- Toi et Enza, je veux que vous consultiez un psychologue.
- Pourquoi faire ?
- Vous avez été témoin d'un meurtre.
- Double meurtre.
- Vous devez parler à quelqu'un de ce que vous ressentez.
- Je me sens bien.
- C'est pas vrai.
- J'ai pas besoin d'un psy, on voit des meurtres tous les jours dans les films et les jeux vidéo, je suis habitué.
- Les films n'ont rien à voir avec la réalité, et tu le sais.
- Vous inquiétez pas.
- Aïko..
- Je vais bien.
- Enza ? Appela Harvey, c'est bien le dernier endroit où je pensais te trouver.
- Qu'est-ce que tu fais là toute seule dans le noir ? Hmm ? Tu devrais profiter du beau soleil qu'il y a aujourd'hui.
La seule réponse qu'elle lui fournit fut un léger reniflement, Harvey put donc en déduire qu'elle pleurait.
- J'ai eu Helias au téléphone, je sais ce qui s'est passé. Je sais que ça a dû être traumatisant, je suis vraiment désolé.
- Laisse-moi tranquille, répondit-elle en sanglots.
Harvey n'était pas habitué à faire face à cette Enza là, cette faible voix pleine de larmes et de douleur lui brisa le coeur.
- Enza, je suis vraiment désolé, crois-moi, t'aurais jamais dû vivre une chose pareille. Personne ne devrait vivre une chose pareille. Je pense pas avoir les bons mots pour te réconforter mais je te laisserai pas tranquille, je suis là et je serai encore là quand t'auras décidé de parler. J'attendrai autant de temps qu'il faudra.
Après un moment plongé dans le silence, Enza releva enfin la tête, le regard perdu dans le vague.
- Tu m'as l'air épuisée.
- J'ai pas pu dormir cette nuit, répondit-elle à voix basse.
- Je comprends.
- J'arrive plus à respirer comme avant, c'est comme si je manquais d'air.. Tout le temps.
- Tu fais une crise d'angoisse. T'as été confronté à une situation..
- Traumatisante, je sais.. Il y avait tellement de sang.. Ça aurait pu être nous, allongés par terre, massacrés à coups de machette.
- Vous avez échappé à tellement de choses, vous avez un ange gardien surentraîné, vous avez Helias, aussi bizarre que ça puisse paraître, et vous m'avez moi aussi. Vous êtes en sécurité.
- Tu crois ?
- J'y veillerai. Tu vas aller mieux, fais-moi confiance, même si c'est difficile. Et tu sais par quoi je vais commencer ?
- Non.
- Un câlin.
- Un quoi ?
- Un câlin.
Il se releva et l'aida à faire de même.
Puis il tenta de la prendre dans ses bras.
- La meilleure solution pour calmer une crise d'angoisse, c'est ça.
- Harvey.. C'est.. Bizarre.
- Et si t'arrêtais de lutter juste un instant ? Tu t'apercevrais que j'ai une épaule sur laquelle pleurer, et je te jure que je le dirai à personne, ajouta-t-il ironiquement, personne saura qu'Enza Weaver a pleuré.
Contre toute attente, elle se laissa aller et s'empara de l'attention qu'il lui offrit.
Elle se rendit compte à quel point c'était réconfortant, puis, de nouveau, ses yeux se remplirent de larmes.
- Je suis désolé, dit Tyler, j'ai fait ce que j'ai pu.
- Elle doit vivre sa vie, répondit Helias d'une voix meurtrie, j'ai pas le droit de l'en empêcher.
- Frank, s'exclama Kolynn, je crois qu'on a un problème.
- Lequel ? demanda le directeur en scrutant l'arme que tenait le maire.
- Il semblerait que quelqu'un dans cette pièce soit un traître.
- Un traître ?
-Un putain de traître.
- Mais.. Ne sommes-nous pas tous des traîtres dans cette pièce ?
- On se trahit pas entre traîtres ! s'énerva Kolynn.
- Ouais ! confirma le chef de la police.
- Kolynn, je..
- Ferme ta gueule !
- Ouais ! confirma de nouveau son complice, ferme ta gueule !
- Ah mais toi aussi ! Ferme ta gueule ! lui répondit Kolynn.
- Je t'en prie, Kolynn, réfléchis à ce que tu fais..
- J'ai eu le temps d'y réfléchir toute la journée, j'avais prévu un long et palpitant monologue mais.. Je crois que je vais juste te mettre une balle entre les deux yeux.
- Kolynn.. Je t'en prie..
- Fais pas ça..
- Qu'est-ce qui se passe ici ? intervint Helias.
- Helias.. Toujours là au mauvais moment..
- Excuse-moi ?
- Non rien, on se préparait un petit apéro, tu te joins à nous ?
- Frank, attends-moi dehors.
- Tu m'enlèves mon convive ? sourit Kolynn, c'est très impoli.
- Accueillir un convive avec un flingue, t'appelles ça comment ?
- J'appelle ça la routine.
- Tu te fais rare en ce moment, ajouta Helias, des problèmes ?
- Les problèmes habituels, tu sais, la vie de maire, tout ça.
- J'ai réclamé ta présence plusieurs fois.
- J'étais pas mal occupé.
- Ça m'est égal. Quand je te réclame, tu accours. C'est pas plus compliqué que ça.
- Je te remercie d'être venu à temps.
- T'as eu de la chance que je passe par son bureau.
- Je pensais pas qu'il allait faire ça.
- Tu sais pourtant à qui on a affaire.
- Oui.. Et d'ailleurs.. Je peux plus, je veux plus faire tout ça, j'ai failli y rester.. J'ai une famille, je veux partir d'ici, quitter la ville et..
- Est-ce que je t'ai dit de partir ?
- Non..
- Alors tu restes.
- J'ai besoin de toi ici, j'ai besoin que tu sois là où je ne peux pas être, aux côtés de Daïna. Il faut que tu veilles sur elle.
- Elle est en sécurité entre nos murs.
- Tu restes ici et tu gardes un oeil sur elle.
- Quand tout sera terminé, je brûlerai tout ce que j'ai sur toi, tu seras libre. Tu n'entendras plus jamais parler de moi.
*Musiques : Paul Haslinger - The End
Pink - Try (Tyler Ward cover)