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Episode 18 : Désemparés

- Tu devrais essayer de te calmer, dit Harvey en constatant la colère envahir son ami.

- Comment tu veux que je me calme ?! T'as vu les photos.. T'as vu les photos ?!!

- Péter les plombs ne changera rien, Helias, ça va juste t'empêcher de réfléchir correctement. Je sais que c'est pas facile mais on a besoin que tu gardes ton calme.

- Tu l'as vu sortir ? demanda Valdenn.

- Quoi ?

- Est-ce que tu l'as vu sortir ?

- Non.

- Où est-ce que tu étais ?

- On était tous au même endroit, y avait une fête au sous-sol, je l'ai pas vu s'éclipser.

- Mais je t'ai pas demandé de faire la fête avec eux, je t'ai demandé de les surveiller.

- C'est ce que je faisais, mais ils sont trois, je pouvais pas tous les avoir à l'oeil en même temps.

- Puisque vous étiez tous dans la même pièce, ça devait pas être difficile pourtant.

- Bah disons que j'ai dû m'absenter un court moment.

- Pourquoi ?

- Je suis pas sûr que ce soit le bon moment pour en parler..

- Harvey..

- On discutera de ça plus tard, y a plus important..

- Qui est-ce que tu t'es tapé ?

- Comme je disais.. Y a plus important pour l'instant..

- Tu t'es envoyé en l'air pendant qu'elle se faisait kidnapper ?!! Tu te fous de ma gueule !!

- Je t'ai demandé de garder ton calme.

- J'en ai rien à foutre !!

- Je t'interdis de me mettre son kidnapping sur le dos ! T'avais qu'à la surveiller au lieu de rester planqué.

- Qu'est-ce que t'as à me regarder comme ça, toi ?

- Je vous ai reconnu, dit Adam, on s'est déjà croisé au café.

- Et alors ?

- Vous saviez qui j'étais ?

- Oui, soupira Valdenn d'impatience.

- Pourquoi vous m'avez rien dit ?

- Et qu'est-ce que tu voulais que je te dise ?

- Bah.. J'sais pas..

Valdenn le regarda en se demandant comment ce garçon avait pu gagner le cœur de Daïna. Ça lui semblait insensé.

- Vous savez, enchaîna le jeune homme, j'ai beaucoup entendu parler de vous.

- Et ?

- Je pense pas que vous pourrez l'aider.

- Tu crois ?

- J'en suis sûr. C'est pas pour rien qu'elle s'est tournée vers quelqu'un comme moi, quelqu'un de bien et normal.

- Ajoute "chiant à mourir" et "con comme une chaise" pour que ta liste soit complète.

- Et si t'essayais de servir à quelque chose, boucle d'or, au lieu de nous casser les couilles !

- Pas la peine de vous énerver, les gars, je dis juste que Daïna n'a pas besoin de deux gangsters comme vous dans sa vie et que ça m'étonnerait que vous arriviez à l'aider. C'est tout.

- Il est sérieux, lui ? s'énerva Harvey, t'es fou ou suicidaire ?

- Sans rire, ajouta Valdenn, disparais de mon champ de vision avant que je retapisse les murs avec ta cervelle.

- Je sais plus ce qu'il faut faire, lança Enza en pleine angoisse.

- On va trouver une solution, y a Valdenn, y a Harvey, y a l'inspecteur Gloy. On va forcément trouver une solution.

- Aïko, je crois que tu réalises pas encore ce qu'il se passe.. Elle est retenue en otage par un psychopathe encore plus marteau que Valdenn. Tu sais ce que ça veut dire ? Tu sais tout ce qu'il va sûrement lui faire ?

- Non ça lui arrivera pas. On va la sortir de là, fais-moi confiance.

Jenny, surprise et choquée, sursauta face à Valdenn qu'elle n'avait pas revu depuis le scandale.

- Jenny, salua-t-il en cachant sa surprise.

- Je suis en train de rêver ou bien.. ?

- Non, c'est bien réel mais fut un temps où j'aurais trouvé ça très agréable de savoir que je peux faire partie de tes rêves.

- Je trouve pas ça drôle.

- A vrai dire, j'ai ni le temps ni l'envie de chercher quelque chose de drôle en ce moment, tu m'excuseras. Je tâcherai de travailler mon sens de l'humour pour la prochaine fois, hmm ?

Elle soupira et préféra fuir la conversation.

- Faut que j'y aille, dit-elle en faisant demi-tour.

J'avais beau m'accrocher comme je pouvais, les dernières lueurs d'espoir que j'avais qu'on vienne me secourir, étaient sur le point de disparaître.

Fallait être réaliste, personne ne savait où je me trouvais, il n'y avait aucun indice. Je commençais tout juste à me faire à l'idée que je ne sortirais probablement jamais d'ici.

Et encore une fois, on frappa à la porte. Je me levai et pris place sur la chaise pour éviter d'autres blessures.

Moi qui pensais être indomptable, une rebelle dans l'âme, j'avais été réduite au silence et à la soumission par un étranger. Rien que sa présence me terrifiait au plus haut point.

- Alors, lança-t-il, toujours convaincue de l'arrivée imminente de ton prince charmant ?

Je me contentai de me taire.

- T'es moins bavarde qu'au premier jour. Ça tombe bien, j'adore qu'on m'écoute. Tu sais, si t'es là, c'est à cause de lui. Et si je suis là, c'est aussi à cause de lui. Toi qui as l'air de l’idolâtrer, je me demande si tu le connais tant que ça.

- Je le connais très bien.

- Vraiment ?

- Oui.

- Est-ce que tu sais pourquoi il a choisi de devenir directeur de lycée ? Avec son influence, il aurait pu devenir ce qu'il voulait, entrer dans les domaines les plus élitistes. Au lieu de ça, il a choisi le milieu scolaire. Il disait que les jeunes étaient plus modelables et loyaux que les adultes, il avait pour but d'élargir le cercle, d'agrandir la communauté qu'il avait créée et qu'il contrôlait. Il repérait les futurs médecins, avocats, hommes d'affaires, et il les prenait sous son aile, leur rendant la vie facile. Il avait beaucoup de contacts, c'était pas un problème de placer ces jeunes, et bien sûr, ils avaient tous une dette envers lui. Il savait que s'il avait besoin d'un coup de main, il pouvait compter sur eux.

- C'est censé me dégoûter ? demandai-je, ça prouve juste qu'il est intelligent.

Le maire laissa échapper un petit rire et me dévisagea avec insistance.

- Est-ce que tu sais d'où viennent ces quelques cicatrices que j'ai sur le visage ?

- J'imagine qu'elles viennent de lui ?

- Je ne te parle pas de lui pour t'en dégoûter, je le fais pour que tu saches réellement ce qu'il est, pour que tu sois au courant de tout ce qu'il te cache. Vois-tu, Helias a un léger soucis de confiance, alors il nous a demandé de lui prouver notre loyauté en nous laissant faire pendant qu'il nous découpait la peau, principalement le visage. La marque de la soumission. Certains ont eu la chance de n'avoir que quelques traces, moi, en tant que son bras droit, j'ai dû encaisser deux fois plus. Il s'est acharné sur moi en me labourant le dos au cutter pendant des heures. Ça ne lui suffisait pas de nous offrir cette bague comme signe d'appartenance, non, il lui fallait plus, il voulait qu'on souffre pour lui.

J'avais beaucoup de mal à croire à cette histoire, ça ne ressemblait pas à l'homme que je connaissais. Je me méfiais de chacune de ses paroles.

- Je sais que tu as peur, je sais que tu souffres. Mais je veux que tu saches que je ne suis pas le méchant de cette histoire, c'est pas à moi qu'il faut en vouloir.

- C'est pourtant vous qui m'avez séquestré, frappé et menacé avec un flingue.

- Qu'est-ce que je devrais faire selon toi ?

- Libérez-moi, on ira le dénoncer à la police, on fera ce qu'il faut pour vous venger et je ne dirai jamais ce que vous m'avez fait.

- Tu ferais ça pour moi ?

- Oui !

- T'avoir retourné contre lui, ce serait une belle revanche en effet.

- Vous pouvez me faire confiance, je vous le promets !

- Prends-moi pour un con encore une seule fois, et je serai obligé d'abréger tes souffrances plus tôt que prévu. Je ne suis pas faible, je ne suis pas un pigeon, ne fais plus jamais ça. T'as compris ?

- Vous ne tirerez pas.

- T'en es certaine ?

- Ce serait trop facile, vous avez prévu un plan bien plus terrible que ça pour l'atteindre. Je me trompe ?

- Je tombe rarement dans la facilité, c'est vrai. Mais ne crois pas que je t'épargnerais si tu l'ouvres un peu trop.

- Comment t'as pu penser que je te croirais ? Il t'a manipulé comme il a manipulé tout le monde, jamais tu ne lui tourneras le dos. C'est la preuve qu'il a bien fait son boulot avec toi.

- C'est pas de la manipulation, c'est de l'amour. Voilà pourquoi les marques que j'ai sur le visage ne viennent pas de lui, il n'a pas eu besoin de me faire ça pour que je sois de son côté. Vous avez encore beaucoup à apprendre de lui, il semblerait.

Helias avait organisé une petite réunion dans le bureau du directeur, une réunion qui débuta par un profond silence.

- Inspecteur, dit Valdenn d'une voix épuisée, vous avez des nouvelles de Karl ? Il est forcément au courant.

- Malheureusement, on ne l'a pas revu au commissariat depuis l'enlèvement. J'ai fait un tour à son domicile et il n'y était pas.

- Il sait forcément quelque chose, il suivait Kolynn comme son ombre, il lui est plus loyal qu'un clébard. Si on le retrouve, j'arriverai à le faire parler.

- J'ai passé un peu de temps avec eux, dit le directeur, c'est une forte tête, il ne dira rien.

- En effet, tu as passé un peu de temps avec eux.. Et tu veux me faire croire que t'étais pas au courant de leur plan ?

- Si j'avais été au courant du moindre plan contre toi, je te l'aurais dit, c'était le but de ma "mission" après tout.

- Mission que tu as lamentablement échoué !

- La seule raison pour laquelle je t'ai accordé ma protection, c'est parce que tu m'étais utile dans cette affaire ! T'étais proche de lui, tu lui obéissais, et t'as même pas été foutu de savoir pour quoi tu faisais tout ça pour lui ! Alors dis-moi, qu'est-ce que je devrais faire de toi maintenant ?!

- Ça n'a pas été facile pour moi, se défendit timidement le directeur, c'est devenu très dangereux pour ma famille et moi..

- Qu'est-ce que j'en ai à foutre ?!! Tu crois que c'est pas dangereux de me contrarier ?! Tu sais de quoi je suis capable ?! Je vous avais tous demandé une seule chose à faire et vous avez tous fait n'importe quoi ! Surveiller des adolescents, c'est si compliqué que ça ?!! Vous êtes une belle brochette de branquignoles !

- Tu nous gueules dessus pour t'éviter de t'en vouloir à toi, répondit Harvey, parce que tu sais très bien que tout ça c'est entièrement ta faute. Tout ce qui leur est arrivé, et tout ce qui va encore leur arriver, c'est ta faute. Et c'est ta faute si la fille que t'aimes est entre les mains d'un monstre, t'as pas été capable de la garder, t'as pas été capable de la surveiller toi-même et tu seras peut-être pas capable de la maintenir en vie !

Harvey se sentit soulagé de lui avoir enfin balancé sa façon de penser, mais l'apaisement ne dura qu'une seconde, au moment même où il avait prononcé ces mots, le regret s'était emparé de lui. Car il savait que si son ami se trouvait dans cet état, c'est parce que la peur l'avait envahi.

- Écoute, soupira-t-il, je suis désolé. Je pensais pas ce que j'ai dit..

- Les gars, enchaîna-t-il, je crois avoir un plan pour retrouver Karl, si on peut pas venir à lui, il suffit de le faire venir à nous.

Helias soupira en se passant les mains dans les cheveux et se referma sur lui-même sous le regard compatissant des autres.

- Hey, on va la retrouver, t'entends ? Et lui aussi, et quand on l'aura sous la main, on va lui tomber dessus si fort qu'il ne survivra pas.

- Je refuse qu'il meurt.. Je veux qu'il vive en sachant que quoiqu'il fasse, il m'appartient, son destin m'appartient. Je veux qu'il se rappelle tous les jours que quoiqu'il tente contre moi, il perdra d'avance. La mort est un cadeau, une délivrance que je ne lui offrirai pas.

A l'extérieur, Jayk rattrapa Adam et l'interpella.

- Adam ! Attends !

- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Adam.

- Je peux savoir où tu vas tout seul la nuit ?

- J'ai pas l'intention de suivre les ordres des deux p'tits gangsters, alors je me débrouille tout seul pour la retrouver.

- Et où tu vas ?

- Fouiller les environs, et si je peux tomber sur Tyler, ça m'arrangerait. Je suis sûr qu'il sait quelque chose. T'as l'intention de m'en empêcher ou de leur dire ?

- Tu rigoles, j'ai surtout l'intention de t'accompagner.

- Cool.

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