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Episode 20 : Le bout du tunnel

Est-ce que j'allais vivre les derniers jours de ma vie ici ? Dans cette pièce aussi sombre que glaciale, je m'y étais opposée dès mon arrivée, mais je sentais ma ténacité lâcher de plus en plus.

Je m'interrogeais sur la raison pour laquelle il avait placé un miroir dans cette pièce, ce n'était sûrement pas par prévenance. Je crois plutôt qu'il trouve plaisir à savoir que je regarde mon reflet se dégrader à ne plus me reconnaître, une touche de sadisme qui ne m'étonnait plus à ce stade là.

Ce regard vide, cette peau blafarde et égratignée, ce cœur blessé et sans espoir. Tout se reflétait dans ce foutu miroir.

Quelle était la dernière chose que j'avais dite à mes parents ? Et à mes amis ? Je n'arrivais pas à m'en souvenir.

Mes 18 années défilaient devant mes yeux, je les regardais comme on regarde un vieux film que l'on aimait quand on était petit et que l'on redécouvre des années plus tard.

Je me remémorais certains passages de ma vie que je modifiais en imaginant réagir autrement, dire autre chose, penser différemment. Il y a tant de détails auxquels j'aurais dû prêter attention, tant de personnes qui méritaient qu'on s'y intéresse. Mais c'était trop tard, aujourd'hui, j'étais enfermée dans ce trou avec, pour seuls compagnons, mes regrets.

J'essayais de me rappeler la sensation que l'on ressentait lorsque les rayons du soleil nous réchauffaient les os, lorsqu'une simple brise nous caressait la peau.

Ici je ne ressentais que le froid qui dressait tous les poils de mon corps, la solitude qui tentait par tous les moyens de me rendre folle, et la peur.. Cette peur que je n'avais jamais connue et qui, à présent, refusait de me quitter, cette garce.

Oui, je savais que c'était la fin, personne n'allait venir me chercher et je m'y étais résignée. Tout espoir s'était éloigné.

Tous mes "Non ! Je ne mourrai pas ici !" étaient loin maintenant, lutter contre mon sort ne faisait que prolonger la souffrance.

J'étais à bout de force, je pouvais à peine tenir debout, je ne mangeais plus, ne buvais plus, ne dormais plus. Mon état de faiblesse me plongea soudainement dans un profond sommeil dont j'espérais ne jamais me réveiller.

Unknown Track - Unknown Artist
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Plusieurs semaines s'étaient écoulées après mon sauvetage, sauvetage auquel je ne croyais plus et auquel tout le monde évitait de faire référence. Paraît que c'était le lieutenant Gloy qui m'avait trouvé, bizarrement, personne n'était bien bavard sur le sujet.

Mes bras cassés et moi étions rentrés à Oasis Springs pour nous remettre de nos émotions, je pense avoir dormi plusieurs jours d'affilée sans me réveiller.

Nos nerfs s'étaient enfin relâchés, bien que je savais que le maire n'avait pas été retrouvé, je me disais qu'ici je ne risquais rien. Ici c'était chez nous, c'était notre bulle, on s'y sentais en sécurité et c'était pour cette raison qu'on pouvait enfin décompresser.

On était tellement heureux de se retrouver tous les trois, j'avais rêvé de ce moment encore et encore, en me disant que ça n'arriverait plus jamais. Qu'est-ce que je les aime ces deux là.

Ils m'avaient raconté, sans rentrer dans les détails, tout ce qu'ils avaient traversé pendant la période où je m'étais éloignée d'eux. Mais à chacun de leurs récits, c'était comme s'il manquait une pièce au puzzle, comme s'ils ne disaient pas tout, et je me demandais bien ce qui était assez important pour qu'ils se sentent obligés de me le cacher.

Ils dormaient à la maison depuis des semaines, on avait eu le temps de discuter, rigoler, pleurer.

Il fallait qu'on se serre les coudes, il y en avait toujours un de nous qui finissait par s'effondrer sans crier gare.

J'avais beau réussi à me débarrasser de la plupart des marques que l'autre dégénéré avait laissé sur mon corps, celles qui se trouvaient à l'intérieur de mon esprit étaient bien là et surgissaient soudainement, me rendant malade et dépressive.

On passait des heures à se réconforter les uns les autres, on était nos propres thérapeutes.

J'étais restée choquée par les nouvelles de Jayk et Adam, attaqués par l'ex commissaire qui leur avait tiré dessus avec un fusil.

Jayk avait subi une grosse opération, il souffrait d'une grave hémorragie qui le plongea dans le coma.

Quant à Adam, il a eu la chance que la balle lui traverse le corps sans trop causer de dégâts.

Je n'avais pas quitté Oasis Springs, je n'étais donc pas encore allée le voir. Le pauvre, tout ce temps où j'étais enfermée, je n'avais pas pensé à lui une seconde, la personne que j'avais rêvée voir franchir la porte, ce n'était pas lui.

J'avais tout de même l'intention d'aller le voir, après tout, il avait voulu me sauver autant que les autres.

- Je regrette tellement de pas avoir été là pour vous, dis-je à voix basse, je suis vraiment désolée, j'étais dans ma bulle.

- Je sais ce que c'est, répondit Enza, t'en fais pas, t'es là maintenant. J'ai bien cru pendant une seconde que je te reverrais plus.

- Je l'ai cru aussi.

- On a eu de la chance qu'il te laisse en vie assez longtemps pour qu'on te trouve, il aurait pu en finir avec toi dès le premier jour.

- Il a pointé son flingue sur moi tellement de fois, je peux même plus les compter. On peut dire merci à Tyler de l'avoir empêché de me fracasser le crâne, et au lieutenant Gloy de m'avoir trouvé. Ils ont tous été au top dans cette histoire.

- Harvey aussi.

- Lui aussi on peut le remercier ?

- Ce soir là, il t'a pas vu partir à cause de moi, je l'ai un peu distrait.

- Comment ça "distrait" ? demandai-je en jetant un coup d’œil à Aïko pour m'assurer qu'il dormait.

- T'as su qu'on était proche lui et moi ?

- Je sais qu'il a été là pour toi pendant tes angoisses.

- Je pensais pas dire ça un jour mais je pouvais vraiment plus me passer de lui.

- Est-ce qu'il s'est passé quelque chose entre vous ?

- Un peu.

- Un peu ?

- Beaucoup.

- Tu l'as embrassé ?

- J'ai plus ou moins couché avec lui.

Elle me lâcha ça comme une bombe et je me contrôlai pour ne pas lui montrer ma surprise.

- T'as plus ou moins couché avec lui..

- Plus que moins en fait.

- Tu t'es tapé Harvey Gibson ! dis-je en éclatant de rire.

- Chuuut ! murmura-t-elle bruyamment en riant également.

- Et vous en êtes où ?

- Bah il est marié, il a un enfant. J'ai bien compris qu'on n'avait aucun avenir.

- Je suis mal placé pour te donner des conseils. La dernière fois que j'ai tenté de me lancer dans ce genre de relation bizarre, je me suis faite kidnapper par un détraqué donc tu vois..

- Pourquoi on tombe pas amoureuse des gentils garçons sans problèmes ?

- J'en ai eu un de gentil garçon sans problèmes, il m'a connu et aujourd'hui il est à l’hôpital. Attends, t'as dit "amoureuse" ?

- Bah.. Non mais je me suis attachée quoi.

- C'est plus que de l'attachement, nan ?

- Je me sentais en sécurité avec lui, et cette nuit là.. c'était.. y a pas de mots pour décrire ce que j'ai ressenti, j'en ai encore des frissons.

- Je comprends, je sais ce que c'est.

- Il a réussi à franchir toutes les barrières que j'avais placées, il a percé ma carapace et il a atteint mon cœur sans que j'ai eu le temps de m'en rendre compte. J'arrête pas de penser à lui.

- Ah c'est pas facile, hein ? soupirai-je.

- Tu sais, je m'en suis voulu d'avoir mal réagi pour toi et Valdenn, je savais pas à l'époque. Je savais pas ce qu'on ressentait, je me doute que t'aurais voulu partager ça avec moi, mais j'avais pas encore compris.

- C'est pas grave.

- Je tenais quand même à te le dire.

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Quelques jours plus tard, on était encore là à profiter des uns des autres. On se préparait psychologiquement à retourner à Windenburg, nos études n'étaient pas terminées.

Malgré la boule au ventre qui nous rendait presque malade, on était prêt à tout affronter ensemble. Les drames, c'était terminé. Plus de surveillance, plus de conspiration, plus de mensonge. Tout ce qu'on voulait, c'était finir notre année normalement, comme tout le monde.

Mais on avait oublié quelque chose, on n'est pas comme tout le monde !

Aïko et Enza étaient partis avant moi pour que je puisse passer un peu de temps avec mes parents, mais le jour du départ avait sonné.

Je me rendis à cet endroit qui m'était familier et rassurant, j'en avais vraiment besoin.

Je m'accrochais à mes souvenirs, ceux qui me faisaient sourire jusqu'aux oreilles et qui me donnaient la force de surmonter n'importe quoi.

Je pensais à lui tous les jours et je sentais sa présence partout où j'allais. C'était impossible de l'oublier, et je crois qu'en réalité, je n'avais aucune envie de l'oublier.

Soudain, j'entendis des pas qui me firent me retourner immédiatement. Et là, le temps s'arrêta.

- Mademoiselle Elevane.

*Musique : Steve Jablonsky - Desperate Housewives ending

Imagine Dragons - On top of the world (instrumental version)

Matt Nathanson - Laid (Ameritz instrumental version)

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