top of page

Episode 21 : Je t'aime

Le temps s'arrêta et mon cœur s'emballa tellement fort qu'il faillit sortir de ma poitrine.

Paralysée, j'étais bloquée entre l'envie de pleurer et d'éclater de joie. Entre l'envie de m'effondrer et de sauter partout comme une fillette le matin de Noël.

Le voir là devant moi était, de loin, la meilleure chose qui m'était arrivée depuis longtemps.

Est-ce que je voulais me blottir dans ses bras ? Je n'avais que ça en tête, mais pour une raison que j'ignorais, je me sentais incapable de l'approcher, je parvenais à peine à maintenir mon regard dans le sien.

Au bout d'un moment, je réussis à sortir quelques mots :

- Est-ce que c'est réel ? chuchotai-je.

- Si ça avait été un rêve, répondit-il, j'aurais probablement été nu.

Un rire de joie et de soulagement s'échappa sans que je puisse le retenir.

J'en avais presque oublié sa voix suave qui me rendait folle et dont il se servait pour me séduire.

- J'arrive pas à y croire, dis-je en retenant mes larmes.

- Tu pensais pas me revoir ?

- Pas vraiment, non.

- La dernière fois qu'on s'est parlé, dit-il, c'était en de mauvaises circonstances. Je crois que j'avais besoin de rectifier ça.

- Et t'apparais comme ça, sans crier gare ?

- Je tenais à ce que ce soit une surprise.

- C'en est une.

- Une bonne j'espère ?

Ce rire bête refusait de me quitter et remplaçait même quelques-unes de mes réponses, la honte..

- C'est.. oui, c'est une très bonne surprise ! Je sais pas quoi dire..

- J'ai appris que tu repartais à Windenburg aujourd'hui.

- Comment tu sais ça ?

Il se contenta de sourire.

- J'aimerais beaucoup que tu me laisses t'accompagner, j'ai un endroit à te montrer.

- D'accord, répondis-je timidement.

Unknown Track - Unknown Artist
00:0000:00

Après un court trajet dans sa voiture, on descendit et continua à pieds.

Il nous arrêta près d'un paysage glacé et magnifique.

Sentir ma main dans la sienne me déversa une petite dose d'adrénaline dans le sang.

- Comment tu fais pour toujours trouver les plus beaux coins ?

- Je suis curieux, et aventurier il faut l'dire.

- J'ai cru t'entendre dire un jour que tu aimais beaucoup les paysages sous la neige, alors.. C'est l'occasion.

- C'est gentil d'y avoir pensé.

Il avait raison, j'adorais admirer la nature recouverte de ce voile blanc et scintiller au soleil comme si des centaines de milliers de diamants y étaient posés.

Alors que je me laissais aller à rêvasser devant ce spectacle, je le sentis se rapprocher dans mon dos et entourer ses bras autour de moi, tremblotante.

Cette étreinte me procura des frissons comme j'en n'avais pas eu depuis.. je ne m'en souvenais même pas.

Il glissa son visage près de mon oreille, son souffle accentuait la chair de poule qui me parcourait déjà tout le corps, puis il murmura :

- Tu m'as manqué.

Je crois que j'aurais pu pleurer. Le moment semblait tellement parfait que j'avais presque envie de me pincer pour voir si j'allais me réveiller.

- Je t'ai réservé encore un petit truc, ajouta-t-il.

- Qu'est-ce que c'est ?

- Si tu as faim, on va aller manger juste derrière.

- J'ai toujours faim.

- Je suis pratiquement sûr que tu vas aimer la déco du quartier.

- Viens on y va ! lançai-je enthousiaste et impatiente.

- Mais attends.. répondit-il en riant.

- Allez s'il te plaît !

- T'es vraiment une enfant.

- Oui !

- Si je pouvais habiter ce quartier juste le temps des fêtes..

- T'as de drôles d'idées parfois, dit-il d'un air amusé.

- C'est maintenant que tu t'en rends compte ?

- Oh my god ! Mais c'est trop chou ici !

- Je savais que t'allais aimer.

- C'est là qu'on va manger ?

- C'est là, sous le sapin.

- Tu m'as jamais emmené ici quand on était ensemble.

- Faut dire que l'année dernière, à la même époque, c'était assez tendu entre nous.

- Ah bon ?

- Tu m'as collé une claque monumentale.

- Aaaah oui, exact. Mais c'était l'époque où tu jouais au Dr. Jekyll et Mr. Hyde !

- Bah voyons.

Autour de la table, je ne le lâchai pas du regard et soupirai.

- J'ai encore un peu de mal à réaliser, tu m'excuses..

- Je comprends.

- Où est-ce que t'étais pendant tout ce temps ?

- J'étais pas loin.

- La dernière fois que je t'ai vu, je pensais t'avoir envoyé en prison, puis finalement t'as échappé aux flics.

- J'ai eu de la chance.

- De la chance ?

- J'ai aussi des relations, ça aide.

- Tu sais, ce type, le maire.. Il m'a raconté beaucoup de choses à ton sujet, je suppose qu'elles sont pratiquement toutes fausses mais..

- Oh détrompe-toi, elles sont sûrement toutes vraies.

- Pourquoi tu m'as pas tout expliqué à l'époque ?

- Parce que t'aurais pris la fuite, hmm ?

- Peut-être. C'est quand même effrayant comme histoire.

- Pas plus effrayant que ce qui t'est arrivé. A cause de moi.

- J'ai eu de la chance que le lieutenant Gloy me trouve, pas vrai ?

- Oui, répondit-il en fuyant mon regard, c'est un bon flic.

Soudain, j'éclatai de rire.

- Comment t'as pu penser que j'allais gober une histoire pareille ?!

- Mais de quoi tu parles ?

- Je sais que c'est toi qui leur as demandé de mentir.

- Je vois pas du tout de quoi tu parles.

- Arrête. Je commence à te connaître.

- Bon, lança-t-il pour couper court à la discussion, à part ça j'ai pu rencontrer un jeune homme blond aux yeux bleus qui avait l'air très amoureux de toi. Un peu simplet et tête à claque par moment mais plein de bonnes intentions je suppose. Tu vois de qui je veux parler ?

- Ah.. Oui.. C'est.. Un peu gênant.

- J'ai été assez surpris de ton choix, je me demande surtout comment t'as pu le supporter aussi longtemps ?

- Tu veux savoir si on est toujours ensemble ?

- Non.

- D'accord.. Je me suis rendu compte que j'étais pas si attachée que ça, je sais c'est horrible mais je vais pas me forcer à rester avec lui, il mérite mieux. Donc t'as pas à t'inquiéter.

- J'en n'avais pas l'intention.

- Au fait, dis-je, en parlant de choses surprenantes, t'es au courant pour Enza et Harvey ?

Il me regarda d'un air inquiet et gêné.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

- Devine.

- Sérieusement ?

- C'est complètement fou ! Tu le savais ?

- Non, je te jure, j'étais pas du tout au courant.

- Bien sûr !

- Je l'ai prévenu, j'ai essayé d'empêcher ça mais Harvey..

- Ah ! Donc tu savais qu'il y avait un truc.

Je me régalais de le voir en panique et chercher des excuses.

- Je suis pas aussi surpris que toi, on va dire, mais attention, je ne cautionne pas.

- Et toi alors ? enchaînai-je, raconte.

- Raconter quoi ?

- Bah je sais pas, qu'est-ce qui s'est passé pendant tout ce temps, et qu'est-ce que tu comptes faire ?

- C'est bien que tu abordes le sujet, je ne savais pas bien comment le faire.

- Comment ça ?

- J'ai quelque chose à te dire, et c'est un peu.. délicat.

- Houla, c'est que tu me ferais presque peur là.

- Bah allez, dis-moi.

- Je dois partir en détention aujourd'hui, lança-t-il rapidement comme pour s'en débarrasser.

Je restai quelques secondes muette, sous le choc.

- Tu te moques de moi ?

- J'ai rendez-vous avec le lieutenant Gloy à Windenburg, il m'attendra à ton université.

Un froid s'interposa entre nous et me laissa dans la stupéfaction la plus totale. J'avais la désagréable sensation que le ciel m'était soudainement tombé en plein sur la gueule.

- Je suis désolé..

- Mais j'en n'ai rien à foutre que tu sois désolé !

- J'avais passé un marché avec lui, je le laissais m'attraper après m'être occupé de Kolynn.

- A ce que je sache, il est toujours dans la nature !

- Mais toi tu es en sécurité.

- Comment tu peux dire ça ?

- Il a la police aux fesses depuis des semaines, ils le trouveront tôt ou tard. En ce qui concerne Karl, je m'en suis occupé, y a rien d'autre que je puisse faire.

- Comment ça tu t'en es occupé ?

- Disons qu'il a reçu quelques balles dans quelques organes vitaux.

- Tu l'as tué ?!

- Non, il est à l’hôpital dans un état critique, et il attend une greffe qui n'arrivera jamais, j'y veillerai.

- Donc tu disparais y a des mois, tu réapparais aujourd'hui et là tu m'annonces que tu dois disparaître à nouveau ?! Mais t'es sérieux ?!

- J'ai donné ma parole.

- On s'en fout ! Tu la reprends !

- Je peux pas faire ça.

- T'as envie de passer des années en prison ?

- Non, mais je le dois.

- Tu te rends compte que ça va gâcher ta vie ?

- Je sortirai un jour ou l'autre.

- Et moi là dedans ?

- T'as réussi à vivre sans moi pendant des mois.

- J'ai pensé à toi chaque jour ! Alors non, j'ai pas réussi à vivre sans toi ! Et je peux pas imaginer que tu m'abandonnes pendant des années.

- Je veux que tu vives ta vie normalement, sans moi. Quand je vois ce que tu as vécu par ma faute, je me dis que j'aurais jamais dû croiser ta route.

- Mais c'est trop tard, tu l'as croisé. Et je m'en fous de tes problèmes, je m'en fous de ton passé, je veux être avec toi, c'est tout ce qui compte !

- Daïna.. Essaie de comprendre, essaie de savoir ce que je veux moi.

- Tu veux aller en prison.

- J'ai fait beaucoup de conneries, j'ai fait du mal à beaucoup de monde, et je ne veux plus fuir. Alors oui, je veux avoir ce que je mérite et enfin pouvoir tourner la page.

J'avais beau avoir le cœur brisé, je comprenais tout de même ce qu'il essayait de me dire.

- Tu vas encore partir, dis-je plus calmement, très longtemps.

- Je sais.

- Je suppose que je peux rien dire ou faire qui puisse te faire changer d'avis ?

- Ma décision est prise depuis longtemps.

Je soupirai en guise de réponse. Je n'arrivais pas à y croire.

- Tu viendras me faire un coucou derrière les barreaux.

- Ça me fait pas rire.

- Je regrette. C'est la dernière fois que je te fais de la peine.

- Je suis désolée de réagir comme ça.

- T'as pas à t'excuser, c'est tout à fait normal, je m'attendais même à ce que tu me balances ton assiette à la figure.

- T'es vraiment sûr que tu veux pas t'enfuir ? Je viendrai avec toi.

- Et on vivrait à la Bonnie and Clyde ?

- Ouais, ça pourrait être cool.

- Ça pourrait, mais non. Je veux que tu retrouves une vie normale.

- Je crois pas que je sois destinée à vivre une vie normale, je crois même que j'en n'ai pas envie.

- Fais-le pour moi et quand je sortirai, je te retrouverai. Si t'as pas déjà foutu l'camp avec un blondinet simplet tête à claque bien sûr.

- T'es con, dis-je en riant malgré moi.

- Tu sais que tu me manques déjà..

Il se contenta de sourire.

- Mais je suis fière de toi, ça confirme ce que je pensais de toi.

Non, je ne cautionnais pas sa décision, mais je la respectais. Après tout, il fallait que j'arrête de penser qu'à moi, c'était sa vie dont il était question.

A Windenburg, on frappa à la porte.

- Entrez ! dit Enza.

- Salut, lança Harvey.

- Hey, Harvey, ça fait un bail.

- Un peu ouais. Je peux m'asseoir ?

- Bien sûr.

Il s'installa à côté d'Enza et l'observa avec un triste regard.

- Ça va ? demanda-t-elle.

- Hmm.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- J'ai eu le temps de beaucoup réfléchir.

- D'accord, à propos de quoi ?

- De tout, toi et moi surtout.

- Ah ouais ?

- T'y as pas pensé, toi ?

- Peut-être.

- Et qu'est-ce que ça donne ? demanda-t-il curieusement.

- J'ai compris certaines choses, j'apprends à relativiser.

- Ah ouais ?

- Je me dis qu'on a passé des moments sympas tous les deux, j'ai pris ce qu'il y avait à prendre et voilà.

- Rien de plus ?

- Qu'est-ce que tu veux entendre ?

- Que t'as beaucoup pensé à moi, que t'es très attachée à moi et que tu veux pas que ça se termine comme ça. C'est là que j'aurais pu te dire que moi aussi j'ai beaucoup pensé à toi, que je suis très attaché à toi et que moi non plus, je ne veux pas que ça se termine comme ça.

- Qu'est-ce que ça changerait ?

- Tout. J'ai changé un tas de chose de mon côté.

- Tu sais.. répondit Enza, je crois que j'ai pas vraiment envie de savoir.

- Vraiment ?

- Oui, je me suis faite à cette idée et j'ai pas envie que ça change. Nous deux, ce sera forcément une relation compliquée et je préfère pas m'embarquer là dedans. Alors quoi que t'avais à me dire, tu devrais peut-être le garder pour toi.

Cette réponse inattendue lui cloua le bec. Bien entendu, il ressentit un pincement au cœur mais également de la fierté face à cette jeune femme plus mature que jamais. 

- Tu m'en veux pas ? s'inquiéta-t-elle.

- Bien sûr que non, c'est moi qui ai fait n'importe quoi, j'aurais dû m'y prendre autrement avec toi. J'aurai plus qu'à m'en mordre les doigts.

- Des amis, alors ? lança-t-il.

- Des amis.

- Putain.. soupira-t-il.

Ce qui fit rire Enza.

- C'est mieux comme ça.

- Ouais, ça c'est toi qui le dis.

- Essaie pas de me faire changer d'avis.

- Mais non, t'as raison, je le sais en plus. C'est juste difficile à accepter.

- Je sais.

Unknown Track - Unknown Artist
00:0000:00

Puisqu'on avait qu'une seule journée pour profiter l'un de l'autre, on s'attarda sur chaque moment passé ensemble, des moments qui allaient rester gravés.

Durant les fêtes de fin d'année, de la musique était diffusée dans tous les quartiers, Helias en profita pour "m'inviter" à danser.

- Il y a un an, je ne t'avais pas demandé la permission.

- T'as pas à le faire.

- J'en n'avais pas l'intention.

Il m'attira contre lui et plongea son regard dans le mien.

- Comment je vais faire, moi, pour me passer de ce regard de braise ?

- Mademoiselle Elevane, tenteriez-vous de me charmer ? C'est très incorrect.

- Monsieur Valdenn..

Je souriais rien que de penser à cette époque. Et un an plus tard, il m'intimidait toujours autant.

Il rapprocha lentement son visage du mien, désirant m'embrasser, mais je résistai un instant, tremblant d'émotions.

Ces lèvres que je n'avais pas embrassées depuis si longtemps, j'étais effrayée.

Quand il m'embrassa, j'en frissonnai jusqu'à en ressentir une légère douleur.

Alors que les heures défilaient à vive allure, je me pris à imaginer ma vie avec lui, je passais cette journée comme si nous allions vivre la même demain. Je pensais alors, qu'est-ce qu'on va regarder à la télé ce soir ? Est-ce qu'il va venir faire les courses avec moi ? Quand est-ce que ce sera le bon moment pour le présenter officiellement à mes parents ? Est-ce qu'il va enfin bien s'entendre avec mes bras cassés ? Tous ces détails qui faisaient de nous un vrai couple, comme les autres.

- Pose-moi ! criai-je en riant.

- Regarde ces bonhommes de neige comme ils sont bien faits, j'ai envie d'en emporter un avec nous.

- Helias !

- Au point où j'en suis, on peut bien ajouter le vol de bonhomme de neige sur la liste, hmm ? Qu'est-ce t'en dis ?

- Pose-moi !

Puis vint le moment fatidique où on remonta en voiture pour rejoindre Windenburg, ce qui signifiait que la séparation était imminente.

- On a droit à un petit comité d'accueil, dit Valdenn.

- Bon, soupirai-je, et ben c'est là que nos chemins se séparent je crois.

C'était un homme très silencieux que je trouvai en face de moi, après tout, qu'est-ce qu'on pouvait bien se dire que l'on ne s'était pas déjà dit ? Dans ces moments là, les mots ne servaient pas à grand chose.

Helias n'était pas du genre à laisser aller ses émotions, et pourtant, je le sentis fébrile. La séparation semblait plus difficile qu'il ne l'avait imaginé.

- Bon, lança Harvey, il est temps pour moi aussi de vous dire au revoir.

- T'as intérêt à nous donner des nouvelles de toi.

- Mais oui, qu'est-ce que tu crois, vous allez pas vous débarrasser de moi aussi facilement.

- Oh allez, un dernier câlin !

- Essaie de pas retomber sur un mec comme moi.

- Mais y a pas de mec comme toi !

- Prenez soin de vous, les punaises !

- Salut Harvey, répondit Aïko.

- Je te retrouverai, chuchota-t-il.

Puis il posa un dernier baiser sur mon front.

On se quitta sans se regarder et je rejoignis Enza et Aïko. Chaque pas m'éloignait de lui et mon cœur se brisa.

Je croisai le regard du lieutenant et c'est à ce moment que je réalisai ce qui se passait.

- Helias ! l'appelai-je.

Unknown Track - Unknown Artist
00:0000:00

- Je t'aime, murmurai-je.

- Réveille-toi, murmurai-je, je t'en prie.. Réveille-toi..

*Musiques : The Lumineers - Holdin' Out

Bryan Ferry - Johnny & Mary

Steve Jablonsky - Widow (Desperate Housewives soundtrack)

bottom of page